Entre fauves

C’est le genre de « post » récurrent sur Facebook: la photo d’un chasseur, très content de lui, posant fièrement devant l’animal sauvage en voie d’extinction qu’il vient de tuer. Avec, bien sûr, sous la photo, une litanie d’insultes et de haine pousse-au-crime. On a tous vu passer ce genre de choses sur les réseaux, peut-être y a-t-on même participé. Colin Niel, lui, a eu la riche idée d’en faire le coeur de son nouveau roman noir et sauvage, comme ses protagonistes. D’un côté, Martin, sympathique en apparence, garde au sein du parc national des Pyrénées, amoureux de la nature, qui a  » honte de faire partie de l’espèce humaine » et  » hater » de chasseurs dès qu’il a le temps; de l’autre, cette supposée garce d’Apolline, alias « Leg Holas », dont la photo où elle pose avec un arc à flèches et la dépouille d’un lion affole les réseaux sociaux. Vous reniflez la suite: ces deux-là vont évidemment se retrouver pour une nouvelle partie de chasse et un troublant jeu de rôle entre proies. Mais préparez-vous aussi à être surpris car Colin Niel livre ici -après un déjà très remarqué Seules les bêtes- un grand roman noir, et surtout gris, aussi écologiste qu’humaniste, et qui se joue des clichés et des a priori. Dans une intrigue aux multiples temporalités, voyageant entre la vallée d’Aspe et le désert namibien, et qui donne à entendre plusieurs voix -dont celle d’un lion-, cet Entre fauves vaut bien mieux que son étiquette réductrice de thriller. Il sème le trouble autant qu’il surprend par son sujet et son originalité; un vrai refuge en cette rentrée.

De Colin Niel, éditions du Rouergue, 352 pages.

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