Entre lumière et ténèbres, l’actrice belge signe sa plus belle interprétation dans le rôle pourtant très ardu de Jeanne, La Fille du RER.

De retour de Flandre où elle tourne en ce moment La Meute, un film d’horreur où elle a pour partenaire Yolande Moreau, Emilie Dequenne nous reçoit dans le bar fumoir d’un élégant hôtel bruxellois « tendance ». Elle n’est pas près d’oublier le personnage de Jeanne dans La Fille du RER, un rôle qu’elle interprète avec une folle présence et une belle justesse, malgré les pièges qui l’y attendaient.  » Au départ, je me suis beaucoup questionnée sur cette fille et son mensonge, je voulais lire plein de choses sur le fait divers, mais André m’a tout de suite arrêtée en me disant: « Je ne fais pas un documentaire sur ce qui s’est passé en 2004, je m’appuie sur un prétexte pour raconter l’histoire d’une jeune femme, de son mec, de sa mère, de ses aspirations, de sa déviance sous pression. Ton personnage n’est pas du tout torturé, elle aime la vie, elle la croque à pleines dents, et elle ment de temps en temps… »

Téchiné avait vu et remarqué Emilie dans La Vie d’artiste et bien sûr dans Rosetta, même si ce premier rôle marquant dans le film des frères Dardenne n’est pas – aux yeux du réalisateur – proche de celui de Jeanne dans son film.  » En même temps, réagit l’actrice, ce qu’il y a de moi dans Rosetta, on le retrouve aussi dans La Fille du RER. Quel que soit le personnage que je joue, c’est toujours moi,même si je cherche à m’effacer. Si je vis la douleur, l’émotion, la surprise, je ne peux pas créer ça de cent milliards de façons. Je ne suis que ce que je suis… Un outil pour faire vivre un personnage. L’important, c’est de ne jamais mentir sur ce qu’on est en train de vivre. La seule chose que je recherche, c’est vivre ce qui est en train de se passer. Que ce soit chez les Dardenne, chez Téchiné, ou chez un mec qui fait son premier film… »

Tranche de vie

A 27 ans, Emilie n’avait jamais fait de roller avant La Fille du RER. Elle a dû suivre un régime alimentaire (« poisson et légumes à la vapeur ») et un entraînement sportif accéléré d’une quinzaine d’heures par semaine pour être prête au jour J du début du tournage. Et de vivre une expérience inoubliable. « Ce qui est formidable avec Téchiné, poursuit la comédienne, c’est que même avec des sujets dits de société comme peuvent l’être ceux des Témoins ou de La Fille du RER, c’est toujours du Téchiné, c’est généreux, humaniste, c’est une vraie tranche de vie! Il garde son univers, à travers tout. André est intègre, et entier. Il peut aller vers l’universel, mais toujours en gardant son identité propre, en faisant quelque chose qui lui correspond. Par ailleurs, il ne juge pas les personnages de ses films. Même s’il sait très bien, au moment de faire un film, ce qu’il veut y dire… »

Et être la fille de Catherine Deneuve, le temps d’un film?  » Elle est magnifique dans le film! Elle sait qu’elle impressionne les gens. Elle a le pouvoir de choisir si elle va continuer à les impressionner ou non. Et avec moi, elle a choisi de ne pas continuer, et elle m’a mise à l’aise… Elle a peut-être vu que j’étais de ces gens qui respectent toute autre personne, qui qu’elle soit. J’ai été élevée de telle façon que je respecte aujourd’hui de la même manière Catherine Deneuve et la nounou de ma fille, sans faire de hiérarchie. »

Entretien Louis Danvers

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