Elvin Galland
Claviériste-producteur bruxellois inspiré, Elvin Galland a travaillé avec Vianney, Juicy, Damso, Noé Preszow, Manu Katché et beaucoup d’autres. Décryptage d’un parcours caméléon.
Sur les photos, il peut avoir l’air du mec frontal. Belle gueule, regard défiant, carrure d’athlète, pompes et sweat de marque. » J’aime beaucoup l’idée d’habiter en coloc dans ce coin-ci de Bruxelles (Forest), d’avoir plein de potes, musiciens ou pas, dans le quartier. Et que l’on ait ce jardin un peu dingue de 300 mètres carrés. » Mais Elvin Galland, 30 ans en mars, n’est pas trop de la brigade de l’esbroufe. Plutôt calme, pondéré et, comme il se définit, » à l’écoute » . Dans le sous-sol d’un vénérable immeuble, il s’est taillé son studio perso: claviers, synthés, kit digital d’enregistrement et électroniques diverses. Et puis un original Fender Rhodes, historique piano électrique: » Celui-là, je le loue, pour finir différents travaux musicaux. Mais au-delà du prix de l’instrument -il faut compter 3 000 euros- il est extrêmement compliqué d’en trouver un en bon état de fonctionnement. Je cherche… »
Il y a bien un lien entre le vénérable Fender et les musiques actuelles pratiquées par le Bruxellois. Fils d’une chanteuse métisse américaine aux racines ghanéennes et d’un père belge, Stéphane Galland. Fameux batteur notamment chez Aka Moon, ce dernier met aussi sa science rythmique au service, par exemple, d’Ibrahim Maalouf. C’est peu dire qu’Elvin est né avec une petite cuillère musicale argentée en bouche. Avec sa jumelle Kayla, il gobe Ravel, le jazz, la pop, la soul, les rythmes afros, semences d’un infini musical. Qu’il pratique au piano via des cours privés vers 12-13 ans et puis lors de plusieurs séjours en conservatoire, à Bruxelles et Charleroi. » Je n’étais pas très étudiant à l’école (sourire ), mais en milieu musical, je bossais parce que j’avais trouvé fascinante la richesse des harmonies du clavier. La musique est un langage, comparable à celui qu’entend un enfant dans la conversation de ses parents. La musique tient du mysticisme même si ce n’est que de la physique, des ondes. » Le milieu familial en dessine les contours: les trajets parfumés de papa et maman. Comme celui du bassiste et instrumentiste reconnu Daniel Romeo, notamment chez Lavilliers: ce beau-père avec lequel il grandit est un conseiller officieux sur les musiques multiples. Dès l’adolescence, Elvin fait aussi la paire avec son double féminin, Kayla. Très vite, les deux se lancent dans des reprises de Rihanna, Beyoncé ou Kanye West: elle au chant, gratifiée d’un organe funky-soul, lui, assumant le backing instrumental et quelques choeurs. Internet faisant foi, le duo se fait remarquer. » On se connait tellement que tout ce qui se passe semble totalement naturel. On a eu des projets ensemble, comme dans Eleven, mais là, elle vole de ses propres ailes, même si je suis occupé à produire son premier album solo. Le fait de bosser musicalement ensemble depuis l’âge de 14-15 ans a été une incroyable expérience, me permettant de comprendre aussi tout ce qui ne fonctionne pas dans un morceau. » Elvin nous envoie la version de La Vie en rose où Kayla reprend la fameuse mélodie popularisée par Piaf, faisant passer les paroles au mode 2.0 avec un kick hip-hop. « Les héritiers du compositeur ont refusé notre version, a priori destinée à sortir en disque/digital. Mais on peut quand même la découvrir sur YouTube. »
Au nom du fils
Hip-hop, hip-pop: voilà les ingrédients communs aux travaux d’Elvin. Un ADN générationnel. Qu’il fréquente par exemple avec Mustii, dont il réalise le premier album, succès commercial et critique. Et puis à la mi-mars, paraîtra la première grande rondelle produit par lui pour Juicy, les Bruxelloises funky-kinky. Elvin connaît bien Julie Rens -moitié de Juicy- vu que tous deux ont fait partie d’Oyster Node, groupe trip-hop imaginatif qui n’a pas eu l’impact mérité. » Quand je réalise une production artistique, j’y mets du mien, je pose ma patte. Mais dans l’idée d’être au service des artistes, de rester zen et d’avoir de l’empathie. Quand je travaille avec Juicy, deux filles aux idées fortes, je pense aux partis pris, à l’efficacité, au fait de ne pas en faire trop. L’essentiel est d’écouter l’autre: si j’ai un talent, c’est celui-là. »
Elvin est né le 14 mars 1992 à Etterbeek. À l’approche de ses 30 ans, qu’il fêtera avec sa jumelle, les rendez-vous s’additionnent. Là, il est dans le break d’une tournée avec Vianney » dans des salles de 4 000 à 13 000 personnes… » , qu’il va reprendre en février, sans doute jusqu’à l’automne. » C’est la France qui me permet de vivre. En jouant en live, mais aussi via les droits des morceaux que je dépose à la SACEM. Quand j’ai fait mon projet solo Jim Henderson, j’ai d’ailleurs signé avec plusieurs labels. Et là, je travaille avec des éditeurs français, ainsi qu’avec le label Tôt ou Tard. Ils m’ont branché sur Noé Preszow, entre autres. » Pas forcément facile d’aborder le business global. Ainsi, lorsqu’Elvin se trouve aux studios bruxellois ICP pour enregistrer un titre avec Damso en 2018, son engagement en pianiste de session s’enrichit d’un autre rôle. « J’ai fait écouter à Damso quelques tracks que j’avais faites et cela l’a inspiré. » Trois ans plus tard, le morceau Morose sort officiellement en avril 2021. » J’ai alors constaté que mon apport de coproducteur n’existait pas… » L’affaire se règle via un chèque tardif, plutôt à l’amiable. Mais qui rappelle que le business musical n’est pas une affaire de naïfs. » Oui, là, je travaille avec un copain qui va agir comme mon manager… »
Plus convivial, Elvin a formé The Gallands avec son papa Stéphane Galland. The Gallands sonnent comme une hypnotique dérive électro-jazz. » Moi aux claviers et aux loops, mon père à la batterie. C’est pour cela que j’ai loué ce piano Rhodes, pour terminer notre album qui devrait arriver en 2022. C’est comme quand je travaille avec ma soeur, je ne me pose pas la question du lien charnel. »
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici