Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SWEET SOOL MUSIC. Ellen Allien laisse de côté les beats qui tapent et emprunte la voie minimaliste pour une électro entre chien et loup. Captivant.

« Sool »

Distribué par BPitch Control/News.

Patronne de label (BPitch Control), DJ mixant aux quatre coins du globe, Ellen Allien reste la figure de proue de la scène électronique allemande. Chaque nouvelle sortie de la demoiselle reste un petit événement. Surtout quand, comme sur Sool, celle-ci s’accompagne d’un virage serré. Ellen Allien s’est jetée à l’eau en concevant un disque qu’on écoutera plus qu’on ne le dansera. Avec Sool, elle choisit ainsi l’épure et l’introspection. On pourra trouver l’option aride, pas toujours « agréable » ( Its, Bim). Mais aussi à d’autres moments (du disque ou de la journée), complètement absorbante, à l’image du sublime Zauber, qui sur des grésillements électro voit débouler ce qui ressemble à un hautbois aquatique.

De passage récemment au Dour festival, la Berlinoise nous a livré quelques clés. « Je ne voulais pas d’un album frontal, mais quelque chose de délicat et élégant. L’an dernier, j’ai passé pas mal de temps en after. La musique y est un peu différente: on y prend son temps, on joue plus lentement, il y a très peu de basses. Cela n’a pas forcément à voir avec les drogues. C’est un peu la même chose sur Sool , qui est plein de sons minimaux. J’avais envie d’une musique qui m’ouvre l’esprit et m’aide à comprendre le monde… » Sool sera donc tout sauf désincarné. Cérébral aussi mais pas abstrait pour autant. De la musique pour l’esprit, mais trop urbaine pour être vraiment zen. D’ailleurs, avec Einsteigen, l’album s’ouvre sur des bruits de la ville. Berlin en l’occurrence, où les clubs peuvent rester ouverts 24h/24, et ne sont pas obligés de jouer en permanence pied au plancher.

chroniques berlinoises

« C’est une ville qui fonctionne sur la durée, où vous pouvez boire lentement, vous n’êtes pas obligé de vous dépêcher de vous amuser… Le volume de la musique n’est pas trop élevé. On peut parler aux gens. Et puis au-delà de ça, quand je conçois un album, je ne pense pas trop au club. Il fallait d’abord que cela soit créatif, que cela vienne de mon âme. » Ainsi, le morceau Frieda, seul du disque à se rapprocher un tant soit peu d’un format chanson, et qui évoque sa grand-mère. « Elle a toujours été quelqu’un d’important pour moi. Elle pouvait vous raconter plein de choses sur l’histoire de la famille ou de l’Allemagne. En général, j’adore discuter avec les personnes âgées. Dans mon pays, elles restent très peu visibles. Quand vous allez en Italie, en Espagne ou en France, vous passez devant les terrasses, et il y en a plein qui prennent leur café en lisant le journal. Et si vous voulez, vous pouvez vous asseoir et discuter. Pas en Allemagne. Les vieux restent chez eux. »

La mémoire. Dans son travail musical, qui ressemble aussi de plus en plus à des chroniques de la vie berlinoise, elle pèse toujours. « Un des traits principaux de ma musique est peut-être la mélancolie. Ce qui vient sans doute de l’histoire de mon pays. La génération qui m’a précédée était très déprimée, toujours traumatisée par ce qui s’était passé avant elle. Mais à présent, ceux qui arrivent hésitent moins. Je suis entre les deux: entre la génération qui culpabilisait et celle plus décomplexée d’aujourd’hui. Cela dit, les changements dont je parle dépassent de loin Berlin et l’Allemagne. Depuis les années 2000, je vois les choses bouger. La façon dont on vit maintenant est seulement le début. »

www.myspace.com/ellenallienbpc

LAURENT HOEBRECHTS

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