East/West
ENTRE 50 ET 100 EUROS
Influencé par le cinéma d’Antonioni autant que par la peinture de Brueghel et de Goya, Harry Gruyaert ne s’est jamais considéré comme un photojournaliste au sens strict du terme. Son instinct est sa boussole. Et la sensualité de l’ordinaire, sa muse. Une approche impressionniste qui tranche avec celle, prétendument plus objective, de ses collègues de l’agence Magnum, où il a dû aussi imposer dès son arrivée en 1981 dans ce bastion du noir et blanc son goût, suspect à l’époque, pour la couleur, genre mineur réservé alors à la publicité et aux photos de vacances. Mais dont il a démontré dès les années 60 qu’elle pouvait être un puissant allié pour révéler les couches de sédiments enfouies sous la surface du réel. Démonstration éclatante et hypnotique avec ce East/West, coffret de deux livres exposant en miroir le quotidien des ennemis idéologiques d’hier: le Los Angeles et le Las Vegas de 1981 d’un côté, le Moscou de 1989 de l’autre. Voitures, piscines, motels et malls à l’Ouest, babouchkas emmitouflées, magasins rationnés et poitrines bardées de médailles à l’Est, conformément aux idées reçues. Sauf que les compositions au cordeau et les incroyables jeux de lumière et de couleurs du regard empathique de l’artiste belge transcendent cette grammaire figée pour laisser affleurer de part et d’autre une même mélancolie douce-amère. Comme deux poèmes visuels à la beauté triste. Un classique instantané. ? L.R.
De Harry Gruyaert, éditions Textuel, 160 pages. Prix: environ 65 euros.
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