Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

ALICE GALLERY REÇOIT LE NÉERLANDAIS PARRA POUR UN PREMIER SOLO SHOW EN BELGIQUE. ET AVEC LUI SA LIGNE CLAIRE IMPARABLE.

Salut

PARRA, ALICE GALLERY, 4, RUE DU PAYS DE LIÈGE, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 11/07.

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La famille des skateboarders n’est pas une famille heureuse. Pas de malentendu, il s’agit bien d’évoquer ici la famille biologique, les parents légaux, de tous ceux qui sont accros au varial flip. La communauté, elle, se porte bien, merci. D’où la question: mène-t-on sa vie sur roulettes pour échapper au spectre de ce monstre tentaculaire? Prend-on le bitume pour oublier une mère castratrice, un père tordu? Il n’est pas interdit de le penser. Des exemples? Il n’en manque pas. Ainsi d’Ed Templeton, légende du skate et artiste maudit. Sa dernière exposition au SMAK, à Gand, tournait autour d’un tableau tout sauf anodin. Celui-ci le montrait à côté d’une baignoire, la tête maintenue sous l’eau par un père tyrannique. Ce même père qui avait quitté le domicile conjugal pour une baby-sitter de seize ans et laissé derrière lui des existences ébréchées. La vie de Templeton fut d’autant plus abîmée qu’en guise de dégât collatéral, à la suite de cet épisode, il allait être élevé par des grands-parents chrétiens fondamentalistes. Mais il n’y a pas que Templeton, on peut aussi évoquer le cas Leigh Ledare et ses relations pour le moins troubles avec sa figure maternelle de référence, Tina Peterson. Tout comme Templeton, Ledare a réussi le coup de force de transformer la fêlure qui le définit en une énergie positive -grâce à la photographie pour sa part. C’est exactement sur ce même socle que se situe Parra, alias Pieter Janssen, artiste né en 1976 aux Pays-Bas qui jouit d’une notoriété considérable notamment depuis qu’il a réalisé une immense fresque pour le MoMA de San Francisco. Pour lui aussi, le skate a été une planche de salut. Avant que l’art ne prenne la relève.

Never complain

Parra n’est pas du genre à s’étendre sur les mécanismes qui sont à l’oeuvre dans son travail. L’arrière-pays psychanalytique n’est d’ailleurs pas nécessaire pour être séduit par son travail. Bien sûr, le spectateur attentif ne peut être qu’intrigué par l’absence de visage ou d’expression qui caractérise ses personnages. Comme sur cette toile représentant une photo de famille où les mains des uns cachent les visages des autres. Peu importe au final, ce qui est remarquable c’est l’incroyable cohérence des compositions de Parra. Palette chromatique restreinte dans laquelle le rouge et le bleu dominent, « cloisons » sinueuses -qui ne sont pas sans rappeler les nabis- réalisées au pinceau noir, esthétique très pop culture, typographie léchée… L’efficacité du travail du Batave est quasi publicitaire. On songe à une sorte de persuasion clandestine expurgée de ses intentions subliminales. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de détecter l’influence d’un Hergé ou d’un Ever Meulen en raison de la limpidité des traits. On pense également au dessin de presse et à son immédiateté. L’accrochage décline différents formats mais donne également à voir une sculpture -une paire de jambes sortant d’une pomme- joliment vernie, ainsi qu’une projection de dessins tout droit sortis du compte Instagram de l’intéressé. L’idée fait sens dans la mesure où le Web a largement contribué à sa notoriété. On pointera également la bande son qui accompagne, elle porte la signature de son propre groupe, Le Le.

WWW.ALICEBXL.COM

MICHEL VERLINDEN

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