Du rêve au cauchemar

© charles kelly/brotherfilms

À quoi bon pouvoir aller dans les mêmes restaurants que les Blancs si on ne peut pas se payer un repas?” Depuis toujours, dans l’esprit de Martin Luther King, la pauvreté a été l’autre visage du racisme. À ses yeux, l’égalité sociale est la seule garante d’une véritable émancipation. En 1966, à Chicago, le révérend pousse un cri de colère et de désespoir. Il n’a obtenu la fin de la ségrégation dans les États du Sud que depuis deux ans et il semble en proie à de profonds doutes. On ne s’en souvient que comme du combattant dans la lutte pour les droits civiques, l’auteur du discours sur le rêve (”I have a dream”), mais ce que MLK veut, c’est une Amérique juste. Une Amérique où la misère n’aurait plus sa place.

Fervent et critique lecteur de Karl Marx, Luther King partage avec lui son anticapitalisme et rêve d’une redistribution des richesses. En 1966, il s’installe à Chicago pour fortifier le mouvement dans le nord du pays. Le pasteur, issu de la bourgeoisie noire d’Atlanta, y découvre la réalité du ghetto dans lequel il s’installe volontairement avec sa famille et y comprend notamment pourquoi cet environnement agit comme une cocotte-minute. Mais les marches qu’il organise dans les quartiers plus huppés sont perçues à travers tout le pays comme des intrusions dans le rêve américain que se sont construits leurs habitants blancs… Ces images foutent d’ailleurs la nausée avec leurs croix gammées, une haine et une hostilité invraisemblables.

Le documentaire de Barbara Necek, journaliste et réalisatrice indépendante spécialisée dans l’Histoire du nazisme et le travail de mémoire, revient sur ces dernières années de combat. Des années qui l’emmènent dans une spirale d’échecs, de solitude et de dépression. Parce qu’à un moment, face au racisme, au chômage et à la pauvreté, la non-violence ne fait plus le poids. L’Autre Rêve de Martin Luther King raconte ses relations avec Lyndon B. Johnson. Mais aussi son “Budget de la Liberté”, projet de Plan Marshall social qui garantit un salaire minimum, un accès au logement et à la santé, et vise en priorité la communauté noire. MLK va notamment organiser la marche des pauvres pour s’attaquer à l’injustice économique et se prononcer contre la guerre du Viêtnam. Car pour le pasteur, la guerre, la pauvreté et le racisme sont intimement liés. Ils pourrissent l’Amérique. Une parole radicale qui fait écho à la lutte des classes. Un portrait pertinent et partiel d’un apôtre de la non-violence qui a fini par sortir de sa réserve et prôner la désobéissance civile. Jusqu’à son assassinat par un suprémaciste blanc le 4 avril 1968. Luther King avait le corps d’un homme de 70 ans alors qu’il n’en avait même pas 40.

L’Autre Rêve de Martin Luther King

Documentaire de Barbara Necek.

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