Doute raisonnable

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Dinos confirme qu’il est bien l’une des plumes les plus brillantes de la scène française, mettant sa technique au service d’une mélancolie omniprésente.

C’est sans doute moins une tendance qu’une confirmation. En 2020, le rap français a retrouvé le goût de l’acrobatie verbale, du jeu technique et du beau geste. Non pas qu’il efface les fantaisies trap ou les roucoulades zumba: dans un paysage musical éclaté, il les complète. Tant mieux pour Dinos. Formé aux battles des Rap Contenders, le rappeur de La Courneuve semble enfin avoir trouvé sa voie et son rythme. Et même son « économie ». Après un premier album officiel en 2018, Imany, il a sorti Taciturne l’an dernier, qui a terminé disque d’or, le premier de sa carrière. De quoi le conforter dans ses choix. Et même lui ouvrir de nouvelles perspectives, par exemple en signant un morceau sur le dernier album de l’idole pop Louane (le titre Love).

À l’heure de publier son nouveau Stamina,, Dinos peut donc doser sa promo à sa guise, la distillant au compte-gouttes. Hormis le featuring annoncé avec Laylow, il s’est même permis de masquer le nom des invités présents sur le disque. En écoutant l’album le jour de sa sortie, plus d’un fan a ainsi vrillé en découvrant la voix de Nekfeu dès le deuxième morceau, Moins un. Se passer de la lumière que peut apporter sur son projet une telle star, voilà où en est aujourd’hui Dinos…

Stamina, confirme les qualités de Dinos. Peu sont ainsi capables de décrire le spleen du quartier avec cette même noirceur shakespearienne. Tout semble écrit d’avance dans les rues de la cité, le destin des uns et des autres inscrit dans le bitume.  » Aucun miracle: j’veux pas entendre la voix de la raison/Parce que je sais déjà que je ferai l’inverse de ce qu’elle me dira » , avoue-t-il dans Diptyque, en ouverture d’album. C’est l’histoire éternelle de la lutte entre le bien et le mal, les vertus et les vices, l’élévation et les tentations – » Je fais de l’ASMR avec les bruits de la machine à billets« . Multipliant les références ( Demain n’existe plus, reprenant le refrain de Trop peu de temps, le tube nineties de Nuttea), Dinos jongle avec les images et les figures de style, convoquant couleurs et même odeurs -celle du parfum Tom Ford, ou du curcuma pour parler d’un amour déçu.

Doute raisonnable

De tous ses albums, Stamina, est sans doute le plus homogène, baignant dans une sombre mélancolie ( » J’ai le moral au sol« , dans Prends soin de toi). Même quand il se rapproche d’un morceau drill ( Corbillard) ou d’une ballade plus ronde ( Je Wanda avec Tayc), Dinos rumine. Évidemment, de la cohérence à l’uniformité, il n’y a parfois qu’un pas. D’autant que tous les titres ne sont pas aussi amusants que Moins un – » Quand j’étais petit, j’avais honte d’aller chez Lidl, et maintenant c’est devenu à la mode« , se marre Dinos. En bout d’album, le rappeur sort toutefois un dernier bijou qui finit de convaincre. Produit par le Bruxellois Dolfa, 93 mesures est déjà un classique. Une performance-confession – » Je peux pas aller chez le psy parce que je suis un mec de tess« -, dont les accents de vérité sont déjà repris dans les manifs – » Chaque contrôle de police me rapproche de mon feat avec 2Pac » .

Dinos

« Stamina, »

Distribué par SPKTAQLR.

7

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