L’art incandescent – Maître incontesté du mélodrame hollywoodien des années 50, Douglas Sirk est l’objet d’un second coffret récapitulatif. Indispensable.

distribué par Twin Pics.

La sortie, il y a douze mois, d’un premier coffret regroupant quatre des plus grands mélodrames réalisés par Douglas Sirk dans les années 50 avait figure d’événement, tant par la qualité de l’édition, que par celle d’une £uvre essentielle, dont on ne cesse de redécouvrir la beauté et l’ampleur. Cinéaste américain d’origine danoise, Sirk aura, en effet, porté le mélodrame à incandescence, signant des films d’un exceptionnel lyrisme en même temps que d’une suffocante intensité – comment ne pas succomber, corps et larmes, au bouleversant final de Imitation of Life, ou à la magnificence exacerbée d’ All That Heaven Allows, pure splendeur en Technicolor flamboyant, qui inspira à Todd Haynes l’étincelant Far from Heaven.

Moins célébrés et moins scintillants sans doute que ceux-là, les quatre films (dont trois en noir et blanc) qui font l’objet de ce second coffret n’en constituent pas moins d’authentiques joyaux. Réalisé en 1953, All I Desire marque le retour de Sirk au mélodrame, après une série de comédies familiales. Une actrice médiocre y rejoint, dix ans plus tard, une petite ville qu’elle avait quittée sur un parfum de scandale. Le temps pas plus que les gens ne l’ont attendue, à l’exception de l’une de ses filles qui brûle de suivre ses traces. A peine, toutefois, est-elle descendue du train, que la rumeur de son retour se répand. Autour des rêves et des illusions perdues, Sirk bâtit un drame domestique s’appuyant sur une ardente Barbara Stanwyck, qui illumine ce film de transition. On la retrouve trois ans plus tard dans There’s Always Tomorrow où, femme ayant tout sacrifié à sa carrière, elle réapparaît dans l’existence d’un ancien partenaire (Fred McMurray), enfermé dans la routine d’un mariage indifférent. Autour des occasions manquées et de l’empreinte inexorable du temps, Sirk signe une £uvre admirable, marquée du sceau de la fatalité et du renoncement, et servie par un formidable duo de comédiens.

Précieux bonus

Les Amants de Salzbourg (1957) est un remake du film Veillée d’amour de John Stahl (judicieusement proposé en bonus). Sirk y retrouve l’Allemagne qu’il avait quittée avant la guerre, et signe un mélodrame lyrique et romanesque, une £uvre frémissante bénéficiant de l’apport du Technicolor. Tourné la même année, et s’attachant à un couple d’aviateurs acrobates rejoints par un journaliste curieux, The Tarnished Angels est, pour sa part, un authentique chef-d’£uvre. Adaptant Pylône, Sirk fait £uvre résolument faulknérienne, en même temps qu’intensément mélodramatique, inscrivant le destin tragique de ses personnages – un trio magique: Rock Hudson, Dorothy Malone et Robert Stack – dans un mouvement qui les dépasse. Ce faisant, il esquisse le portrait de solitudes multiples, dans un film au goût de cendres, mais d’une indicible beauté; une £uvre rien moins qu’indispensable.

L’édition est particulièrement soignée, et regorge de compléments précieux. Ainsi des analyses d’exégètes aussi avisés que Jean-Louis Bourget, Pierre Berthomieu ou Jean Douchet. Ou de documents parfois étonnants, comme ce magnifique Quelques jours avec Sirk, réalisé par Pascal Thomas et Dominique Rabourdin autour des entretiens qu’ils eurent, en 1982, avec le cinéaste pour l’émission Cinéma Cinémas.

Jean-François Pluijgers

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