Sous le nom d’Hercules and Love Affair, Andy Butler part de la house pour remonter jusqu’aux sirènes disco.

En 1977, le producteur Neil Bogart s’occupe de la carrière de Donna Summer. Le disco fait fureur. Il déclare: « C’est le message envoyé par chaque consommateur qu’il y a une redécouverte du plus grand produit dérivé de l’Amérique: le fun. » Trente ans plus tard, les Etats-Unis post 11 septembre 2001 sont en guerre et n’ont peut-être plus trop le goût à l’exubérance. Quoique. Depuis New York, Andy Butler a commis l’impensable: remettre le disco au c£ur de l’actualité musicale. Celui qui était joué notamment lors des grandes fêtes organisées dans le Loft de Dave Mancuso ou le mythique Studio 54, jusqu’à sa descendance house des années 80.

Le projet de Butler s’intitule Hercules and Love Affair. Comme le disque sur lequel réapparaissent des trompettes qui klaxonnent et des basses bien rondes, qui font écho à l’hymne Is It All Over My Face d’Arthur Russell (Loose Joints). C’est absolument imparable, à l’image du single Blind, sur lequel on retrouve Antony Hegarty au chant androgyne, connu pour les drames « cabaret » poignants d’Antony & the Johnsons. Egalement au casting: Nomi, figure transsexuelle clé des nuits new-yorkaises, et Kim Ann Foxman, chanteuse lesbienne et organisatrice de soirées. Quant à Butler, il reste planqué derrière les manettes. D’ailleurs, si cela n’avait tenu qu’à lui, il serait certainement encore occupé à jongler entre ses sets de DJ et des boulots de serveur. « Aujourd’hui, à 20 ans, vous avez déjà 10 albums à votre actif. J’en ai 29, et je ne sors que mon premier… « , rigole-t-il, accroupi dans son divan.

MYTHE

Le coup de pied au cul, c’est Antony Hegarty qui le lui donne, le poussant à faire quelque chose de Blind, dont la première version date d’il y a trois ans. « Je n’ai jamais pensé sortir des disques. En tant que DJ, j’ai vu passer des centaines de pressage tests. Des tonnes de disques qui n’ont jamais été plus loin que la dizaine d’exemplaires envoyés à quelques-uns. Je trouvais ça normal. Mais pour rire, Antony me disait toujours: Hey, je ne fais pas des expériences, moi. Je fais des chansons. Alors, vas-y, tires-en quelque chose. J’ai donc commencé à épargner pour payer un batteur. Puis, quand j’avais de nouveau un peu d’argent, j’enregistrais les trompettes…  »

Ainsi naît Hercules and Love Affair, référence à l’obsession de Butler pour la mythologie grecque. « Gamin, au lieu de me raconter des contes de fées, on me lisait des mythes de l’Antiquité. A 7 ans, pour mon anniversaire, il fallait venir déguiser en dieu grec. Tout le monde arrivait en toge, j’étais Apollon, il y avait trois Zeus… «  (rires). Quand il cherchera plus tard un nom pour son projet musical, il retombera sur cette histoire d’Heraclès/Hercule, l’homme le plus fort du monde, dévasté par la perte d’un amour homosexuel. Parfait pour l’univers disco où l’on a toujours aimé mêler exubérance et mélancolie. « Le fait est que d’un côté, les textes que j’écris sont sinon tristes, en tous cas introspectifs; de l’autre, ils prennent la forme musicale que j’aime le plus, qui est la dance. Pour moi, ce genre de contrastes est donc assez naturel. Mais au-delà de ça, c’est vrai que le nombre de grands morceaux dance dont le point de départ est un chagrin d’amour est incalculable. I Will Survive par exemple! Antony avait d’ailleurs l’habitude de la jouer en concert, juste au piano. C’était magique, il révélait tout le drame de cette chanson. C’est la même chose pour la house: Robert Owens avec I’ll Be your friend , Frankie Knuckles avec Your Love .. . J’ai grandi avec ça. Quand j’ai redécouvert le disco, je suis retombé sur un tas de chansons qui avaient ce même feeling, cette sorte de tristesse dans l’euphorie.  »

Hercules and Love Affair, distribué par DFA/EMI. Andy Butler sera en DJ Set au Culture Club, à Gand, le 30/04.

TEXTE LAURENT HOEBRECHTS

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