Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

l’enchanteresse – Depuis sa participation au Good Night And Good Luck de George Clooney, le public international de l’Américaine Dianne Reeves s’est heureusement élargi.

Distribué par Blue Note/EMI. En concert le 23 avril au Stadsschouwburg de Bruges.On vire les compiles lounge, on raye les CD des chanteuses à voix, on bazarde la plupart des morveuses British en vogue, et on vient chez Madame Reeves, the real shit! Le dix-neuvième album en trente ans de cette chanteuse américaine est une déclaration d’amour à ce qui se fait de mieux en matière de jazz-soul. La technique vocale sophistiquée de Reeves ne brade pas ses affaires de coeur. Ni de cul. Lorsqu’on montre à Dianne, 52 ans, look diva gospel, le Focus d’il y a quelques semaines avec sa grosse bouche suggestive en couverture, elle acquiesce d’emblée:  » L’association du sexe, de l’amour et de la musique, a toujours été là… Et mon nouvel album célèbre d’abord une chose: l’amour. Et la façon dont il se module au fur et à mesure de la vie« . Dianne embraye sur sa propre version du désir, le gospel:  » Cela a toujours été une source de joie et d’inspiration, une façon de vivre, une musique qui vous pousse à aller de l’avant. Je ne me considère pas comme religieuse mais spirituelle, je pense qu’il y a une grande intelligence qui dessine la nature ». On se dit peut-être cela en écoutant cet album qui possède le panache des meilleures productions noires US. Le talent de raconter des histoires, personnelles ou reprises d’autrui: celle de Minnie Ripperton et de son classique Lovin’ You de 1975, cette autre écrite par Michel Legrand ( Windmills Of Your Mind). La plage titulaire est exemplaire de ce naturel narratif: commencée en bleuette intime, elle se développe en large symphonie afro-soul. On imagine bien comment cette force a pu séduire le réalisateur Clooney:  » J’étais un peu étonnée qu’il m’embauche aussi pour être chanteuse de jazz dans Good Night (rires). Je me retrouve d’autant plus dans ce film qui traite des droits civiques qu’il use d’un noir et blanc frontal, il n’y a pas de gris « . Si le film résonne si fort pour Dianne, c’est qu’il met en écho sa propre vie: la dureté de la ségrégation des années 1950/1960, les premières traversées d’un quartier blanc à Denver, la bigoterie, la haine de l’autre.  » Quarante ans après la mort de Martin Luther King, l’actuelle course à la présidence américaine résonne comme la réalisation d’un vieux rêve. Même si Barack Obama ne gagne pas, il a déjà accompli quelque chose d’extraordinairement important. Si l’Amérique ne réagit pas, sa classe moyenne s’effondrera et cela amènera des changements, des violences, drastiques. C’est pour cela que la musique est plus importante que jamais ». Et puis quand Reeves lance le blues, autre branche de sa famille musicale, ce n’est pas pour rire. Today Will Be A Good Day, entamé par une guitare râpeuse est un sacré hommage à sa propre mère de 83 ans, fièrement indépendante. Les histoires de transmission ne finiront jamais…

u www.diannereeves.com

PHILIPPE CORNET

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