Des racines blondes

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Après M. Loverman, les éditions Globe continuent d’explorer à raison la bibliographie pré- Booker Prize de l’autrice britannico- nigériane Bernardine Evaristo. Des racines blondes nous catapulte dans une uchronie qui opère un basculement géographique mais aussi des dominations établies. Que serait devenu le monde si l’Aphrika avait emporté la partie? Si afin de se fournir en esclaves, les chefs du Royaume-Uni de la Grande Ambossa (île fictive et doublon de la Grande-Bretagne, au large de la Mauritanie) menaient des expéditions en Europa et y capturaient les pauvres hères blonds? Un kidnapping brutal, voilà ce qui arrive à Doris Scagglethorpe, esclave, va devenir “négresse de maison”, voir son compagnon exilé faute d’avoir cédé aux avances de sa propriétaire, puis être revendue à Kaga Konata Katamba Ier (KKK), self made man égocentrique. Dans son journal de bord, ce dernier glisse, au-delà de ses hauts faits de gloire, des théories scientifiques (à commencer par l’anthropométrie cranio-faciale) supposées justifier la domination des Négroïdes sur les Caucasinoïdes. Qui davantage que Bernardine Evaristo aurait pu renverser les rôles de façon si piquante et nécessaire, elle qui, dans son Manifesto (publié conséquemment), exprime clairement combien “[sa] biracialité [lui] a fourni un lot d’expériences, d’observations et de défis”? En compréhension des deux mondes, mais revendiquant tôt son identité politique noire au vu de la ségrégation dont elle a fait l’objet, l’autrice nous propose ici une fable satirique salutaire, du genre à déchirer les taies oculaires.

De Bernardine Evaristo, éditions Globe, traduit de l’anglais par Françoise Adelstain, 320 pages.

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