Des films et des lettres

CENTRÉES L’UNE SUR LA RELATION ENTRE THOMAS WOLFE ET SON ÉDITEUR MAX PERKINS, L’AUTRE SUR DAVID FOSTER WALLACE, DEUX BIOGRAPHIES LITTÉRAIRES FONT L’ACTU DVD.

The End of the Tour

DE JAMES PONSOLDT. AVEC JASON SEGEL, JESSE EISENBERG, JOAN CUSACK. 1 H 45. DIST: COMING SOON.

8

Genius

DE MICHAEL GRANDAGE. AVEC JUDE LAW, COLIN FIRTH, NICOLE KIDMAN. 1 H 44. DIST: COMING SOON.

6

Le génie littéraire s’invite à l’écran en la personnalité de David Foster Wallace et de Thomas Wolfe, au coeur de deux films fort différents: l’inattendu The End of the Tour, de James Ponsoldt, et le classique Genius, de Michael Grandage. Inspiré du récit Même si, en fin de compte, on devient évidemment soi-même de David Lipsky, le premier, sorti trop confidentiellement en février dernier, s’invite dans l’intimité de l’auteur de Infinite Jest (L’Infinie Comédie), écrivain américain culte qui devait mettre fin à ses jours en septembre 2008, à l’âge de 46 ans à peine. Wallace (Jason Segel), on le découvre douze ans plus tôt, en 1996, lorsqu’il accepte que Lipsky (Jesse Eisenberg), jeune journaliste à Rolling Stone, l’accompagne pour la fin de la tournée promotionnelle de son roman, en un périple devant le conduire de Bloomington, Illinois, à Minneapolis, Minnesota -soit le contexte d’une interview-fleuve qui s’étirera sur les cinq jours du road-trip. Ponsoldt en tire un film fascinant, traçant le portrait d’un écrivain solitaire en délicatesse avec l’existence n’étant pas sans évoquer celui que mettait en scène Gus Van Sant dans Finding Forrester (et partant, J.D. Salinger), avant d’en affiner le profil au gré de conversations nourries et de la timide esquisse d’amitié le rapprochant de son interlocuteur. S’y greffe une réflexion brillante sur la création qu’en prolonge une autre sur la solitude, la mise en scène fluide laissant la vie et l’émotion s’y immiscer en douceur, tandis que Jason Segel et Jesse Eisenberg livrent des compositions millimétrées. Fort.

On remonte de quelques dizaines d’années à la faveur de Genius pour s’arrêter en 1928, moment où Maxwell Perkins (Colin Firth), éditeur chez Scribner ayant révélé rien moins que F. Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway, découvre, subjugué, le manuscrit de ce qui deviendra Look Homeward, Angel, le premier roman de Thomas Wolfe (Jude Law). Au talent insolent, ce dernier ajoute une personnalité aussi séduisante que tourmentée. Pas de quoi, toutefois, tempérer l’enthousiasme de Perkins avec qui se noue une amitié à l’épreuve des tempêtes, qui les verra encore travailler de concert à Of Time and the River, paru en 1935, trois ans avant la mort de Wolfe. La relation complexe qui s’installe entre ces deux tempéraments contrastés est au coeur de Genius, premier long métrage du dramaturge Michael Grandage. La matière est passionnante, la manière un peu moins, qui confond parfois classicisme et académisme. À quoi les interprètes, Colin Firth tout de sobriété et Jude Law en mode exalté, mais encore Nicole Kidman et Laura Linney apportent un surcroît de relief. Un film d’acteurs plutôt que d’auteur, en somme…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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