C’est devenu une tradition. Chaque année, nous demandons à un auteur de BD différent d’illustrer notre numéro spécial festivals. Après Brüno, Loustal, Riad Sattouf et Blain, place à un Américain, Derf Backderf. On l’avait découvert l’an passé à la faveur du stupéfiant Mon ami Dahmer, récit déjanté de la jeunesse du tueur en série Jeffrey Dahmer que l’auteur a côtoyé sur les bancs de l’école dans les années 70. Un essai magistral transformé au début de cette année avec la traduction de son premier roman graphique, antérieur donc, Punk, rock et mobile homes. Lui aussi largement abreuvé de souvenirs personnels, ce monument underground nous plonge dans la réalité d’un bled sinistré de l’Ohio, sur les traces d’Otto Pizcok, alias le Baron, loser magnifique qui régale son entourage de ses excentricités et entretient sa foi en l’avenir dans le temple du punk rock local. Une oeuvre pleine de fureur, d’humour et de tendresse, sorte de requiem libertaire pour une jeunesse hors des clous servi par un graphisme expressif en diable. Interview musicale express de notre nouvel ami, très actif sur les réseaux sociaux (notamment sur son blog derfcity.blogspot.be).

Premier concert?

Je pense que c’était Lou Reed, dans une vieille salle de Cleveland, en 1973. J’avais 13 ans à l’époque. Transformer était sorti l’année d’avant et l’album avait cartonné. Comme j’entendais tout le temps Walk on the Wild Side et Satellite of Love à la radio, j’ai eu envie d’aller le voir. Je ne connaissais rien d’autre de Lou Reed. J’ignorais tout du Velvet Underground, même si j’avais sûrement entendu Sweet Jane qui était aussi un hit à l’époque. La soeur aînée d’un copain nous a conduits au concert. Hall & Oates jouait en ouverture. Ils se sont fait virer de la scène! Je ne me souviens plus très bien du show, sauf que la salle baignait dans un épais nuage de fumée et que sur White Light/White Heat, d’énormes spots disposés derrière le groupe nous ont presque aveuglés.

Dernier coup de coeur?

J’écoute les nouveautés sur Spotify, pendant que je travaille. Je n’achète plus que quatre ou cinq disques par an aujourd’hui. Surtout des box ou des rééditions avec des inédits. Le nouvel album de Old 97’s est terrible. Je les ai vus en concert la semaine dernière. Mais la dernière plaque que j’ai achetée c’est If Memory Serves Us Well de Death of Samantha. DOS était un des meilleurs groupes de post-punk à Cleveland dans les années 80.

Être punk aujourd’hui a-t-il encore un sens?

Pas vraiment. Le mouvement punk était très underground dans les années 70. Il était effrayant et belliqueux, l’establishment musical le détestait et le craignait. C’était fun! On avait l’impression d’appartenir à une cellule musicale terroriste. Aujourd’hui, je ne sais même pas si l’underground existe encore. Tout ce qui accède à une certaine popularité est automatiquement récupéré par des marques et utilisé pour vendre des voitures et des bières. Même les gosses de riches et les athlètes écoutent de vieilles chansons punk. Joe Strummer doit observer tout ça de là-haut avec effroi…

Le Midwest, une obsession?

Le Midwest est un monde étrange, à la fois bizarre et fascinant, même pour une bonne partie des Américains! C’est un décor qui convient très bien à mes histoires. D’ailleurs, mon prochain album, qui s’intitulera Trashed, aura pour personnage principal un éboueur d’une petite ville de l’Ohio. Une histoire qui s’inspire de mon expérience personnelle puisque j’ai exercé ce métier dans ma jeunesse…

LAURENT RAPHAËL

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