Né il y a 40 ans, le mouvement hip hop fête également un autre moment important: les 30 ans de l’un des labels les plus cruciaux de son histoire, Def Jam. Peut-être le premier à ne pas avoir eu peur d’imposer son esthétique. Celui qui fera également passer l’idée que le rap n’était pas qu’une mode passagère, mais bien une musique destinée à durer (y compris commercialement parlant, Def Jam devenant le premier indé rap à signer un deal à six zéros avec une major de l’industrie).
L’histoire démarre comme une « anomalie »: l’association entre Russell Simmons, un promoteur/ entrepreneur black qui a grandi dans le Queens, et Rick Rubin, juif blanc new-yorkais qui s’est lancé dans la musique en grattant deux accords dans des formations punk. Au premier, l’entregent, la volonté de conquérir le public, y compris en jetant des ponts vers la communauté blanche, un peu comme l’avait fait Berry Gordy avec la Motown, 20 ans plus tôt. Au second, l’intransigeance et le jusqu’au-boutisme musical. « Son esthétique était puriste », écrit Jeff Chang dans Can’t Stop Won’t Stop, à propos de Rubin, citant notamment Bill Adler, l’un des premiers collaborateurs engagés au sein de Def Jam: « Il disait toujours: « Nous allons attirer le mainstream vers nous sur la seule base de l’intégrité des disques eux-mêmes. Nous allons gagner sans aucun compromis. » »
L’art du crossover
Historiquement, le premier morceau labellisé Def Jam sort le 28 janvier 1984. Il est l’oeuvre de T La Rock et Jazzy Jay et s’intitule It’s Yours. En vérité, le morceau est encore distribué sur Partytime, le label d’Arthur Baker. Mais produit par Rubin, il porte déjà le fameux logo Def Jam. La première référence « officielle » du catalogue est en fait un morceau de LL Cool J, I Need a Beat. Dans un cas comme dans l’autre, les singles signeront le début d’une nouvelle ère dans le rap. Russell Simmons aura par exemple amené avec lui Run DMC, qui deviendront rapidement les premières superstars du genre -« Avec des boîtes à rythme tonitruantes, leurs raps entrecroisés contrastaient nettement avec les rythmes disco des groupes de session qui alimentaient la plupart des premiers disques de rap ». Les Beastie Boys débouleront également sur Def Jam, premier groupe de rappeurs blancs ayant réussi à faire leur trou sans passer par la case pop. Une autre formation marquera encore durablement le label, lui ajoutant une nouvelle épaisseur. En 1987, Public Enemy sort Yo! Bum Rush The Show, enchaînant l’année d’après avec It Takes a Nation of Millions to Hold Us Back. Les disques font l’effet d’une bombe, sonore et politique. La formation tape dur, le discours rageur aligné sur un groove hargneux, voire carrément bruitiste.
Pièce essentielle, It Takes a Nation… fait d’ailleurs partie de la liste de rééditions (avec aussi Fear of a Black Planet) que le label a prévu de sortir pour célébrer son trentième anniversaire, tout comme la parution d’un luxueux coffret 3 CD (ou 6 LP), en forme de platine. L’occasion de rappeler que, même si la marque s’est diluée avec le temps, elle reste toujours incontournable dans le monde du rap
L.H.
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