LES TEMPS SONT DURS POUR LES CLUBS. LA CRISE, LA CONCURRENCE DE PLUS EN PLUS FORTE DES AUTRES LOISIRS… À EN CROIRE CERTAINS, ON SORTIRAIT DE MOINS EN MOINS EN BOÎTE. LA FIN D’UNE CERTAINE MANIÈRE DE FAIRE LA FÊTE?

Fermeture du Cherry Moon en juin dernier, de la Bush fin août… Les clubs semblent tomber les uns après les autres. Et on ne parle pas de nouvelles enseignes qui n’auraient pas réussi à se faire une place, mais bien de véritables institutions de la vie nocturne.

L’effet de la crise ou l’indice d’une tendance de fond? Une enquête réalisée par Fuifpunt, plateforme flamande d’associations tournant autour de l’organisation de soirées, pose en effet question. Elle a comparé les choix de sorties entre les jeunes actuels (près de 1000 fêtards interrogés, âgés entre 14 et 30 ans) et ceux d’il y a 10 ans: ils ne sont plus que 31,9 % à déclarer sortir « volontiers » en boîte contre 57,5 % il y a 10 ans. 26,5 % disent même explicitement éviter les sorties en boîte. Autant d’indicateurs que les clubs ont du souci à se faire?

Union nationale

« La fin des clubs? Vous devez bien être le 3e, ou 4e journaliste qui appelle pour parler de ça. Et vous d’abord, vous en pensez quoi? » Manga Dotreppe, operations manager du Fuse, adore répondre à une question par un autre -« je viens d’une famille de profs, cela a dû laisser des traces ». Entre deux taquineries, elle concède quand même: « Non, je crois qu’il y aura toujours des clubs. Mais ils devront évoluer. C’est normal, tout change. Les mentalités comme les musiques. Il faut s’adapter. » Situé rue Blaes, au coeur des Marolles, le Fuse a été le premier club belge à programmer tous les pionniers de la techno, dès 1994. Depuis, l’endroit a forcément connu des hauts et des bas, mais il reste encore aujourd’hui un incontournable du clubbing de la capitale. Sa programmation a dû aider. « On n’a pas de public précis, sinon celui des amoureux de musique. » Au Fuse, on vient en effet pour faire la fête, des rencontres, mais plus encore pour voir tel ou tel DJ. « Il n’y a pas de secret, de recette miracle, sinon rester fidèle à soi-même. Il faut évidemment regarder ce qui se fait par ailleurs. Mais sans se perdre. »

La tactique est à peu près identique au Café d’Anvers, autre pièce essentielle du clubbing local. Ben Biets, general manager du plus fameux repaire house de la Métropole: « On n’a jamais changé de nom ou de style. Alors il y a des périodes moins bonnes, c’est certain. Mais malgré ça, c’est important de rester cohérent. » Il suffirait donc de rester fidèle à son créneau de départ pour passer entre les gouttes? « C’est vrai que depuis plusieurs années maintenant, les gens sortent aussi autrement… Un simple exemple: il y a 15 ans, vous aimiez soit le rock, soit la techno. Aujourd’hui, vous n’êtes plus obligé de choisir. Mais du coup, l’offre est aussi d’autant plus grande. » Un peu comme si l’éventail des propositions s’était considérablement élargi. « La société a changé, c’est normal. Dans les années 80, 90, vous dépensiez votre argent dans les fringues et la sortie de week-end. Aujourd’hui, il y a votre gsm, le laptop, la console… »

La concurrence ne vient pas seulement des autres loisirs. L’explosion des musiques électroniques est aussi passée par la multiplication de l’offre. Plus besoin d’aller en club pour écouter de la techno. Chaque week-end de l’été a par exemple son festival électro. Même les événements rock, tels Werchter, Dour, Pukkelpop,… blindent leur affiche avec des DJ’s réputés. « Un festival comme Tomorrowland par exemple, c’est un budget. Que vous ne pouvez plus mettre pour une sortie en boîte. » A l’autre bout du spectre, de plus en plus de cafés proposent également des soirées, dont l’entrée est forcément libre… Manga Dotreppe: « Oui, mais ils proposent souvent une autre musique, une autre expérience. Il y a de la place pour tout le monde. » La preuve le 24 septembre prochain? Ce soir-là, au Fuse, neuf des plus grands clubs et soirées de la capitale (Wood, Leftorium, Libertine…) se retrouveront pour une soirée baptisée Together…

Eté pourri

Si les petits clubs tiennent bon, qu’en est-il des méga dancings, orientés sur une musique plus commerciale? Au Carré de Willebroek, par exemple, on concède un léger tassement. « Depuis le 2e semestre de 2012, on commence à sentir un effet. La crise est bel et bien là. Et récemment le superbe été n’a pas aidé non plus », explique Hans De Smedt, qui s’occupe du marketing du Carré. « Mais c’est très récent. Quand Fortis s’est écroulé en 2008, je me souviens m’être dit que les choses allaient devenir compliquées. Il n’en a rien été. Même chose en 2011 quand est arrivée l’interdiction de fumer. J’imaginais que la fréquentation allait forcément s’en ressentir: 2011 a pourtant été la meilleure année de notre histoire! »

Le manager continue: « Il y a quinze ans, il suffisait d’ouvrir les portes et la boîte se remplissait. Ce temps-là est en effet révolu. Il faut proposer un expérience complète, de l’entertainement. » Il faut aussi plus que jamais multiplier les déclinaisons possibles. « Je ne parle plus de discothèque mais d’un event-hall », disponible aussi bien pour l’after-party d’une vedette r’n’b que pour le lancement d’un nouveau parfum. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait un hasard si le Fuse a été rebaptisé « Fuse Event Space » (après l’éphémère Blaes 208), et que le Versuz d’Hasselt rouvrira fin d’année dans le cadre d’un projet « récréatif » plus global. Lavoisier aurait donc à nouveau raison: rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme…

TEXTE Laurent Hoebrechts

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