De liens et d’exils

© Abdessamad El Montassir, Achayef, video-still, 2016-2018 Film produit par l'artiste, IMéRA, Le Cube - independent art room, Ins

Déroulée dans le Project Space du sous-sol de la Villa Empain, De liens et d’exils a beau être une « petite » exposition, regroupant sept plasticiens originaires du Maroc, elle n’en saisit pas moins puissamment le visiteur à la gorge. Comme son nom peut le laisse présager, il s’agit d’examiner la question de l’entrelacs entre les corps et les géographies. Le philosophe Theodor W. Adorno a eu beau écrire qu’ « il fait aussi partie de la morale de ne pas habiter chez soi », tout autant que le critique littéraire Edward Saïd a répété à maintes reprises que « l’homme parfait est celui pour qui chaque terre est une contrée étrangère », ces horizons idéaux ne « prennent » pas dans le réel. De la difficulté de ne pas être pur esprit. En réalité, le lien à la terre est charnel, inscrit en nous. S’il ne fallait qu’une preuve, ce serait assurément Achayef qui la donnerait. Cette vidéo de 19 minutes, signée par Abdessamad El Montassir (Maroc, 1989), laisse sans voix. Sa beauté aride et son propos portent sur les traumatismes liés à la question du Sahara du sud-ouest. Une femme sédentarisée dans les années 70 renonce à évoquer la douleur générée par la disparition d’un mode de vie. Les mots lui manquent, il n’y a même plus la présence verbale de l’absence. La leçon est d’autant plus percutante que l’espace évoqué est justement celui du désert, du rien. Ce rien est tout. Sa disparition se transmet de génération en génération sans même « avoir à parler », comme l’explique un scientifique de manière lumineuse. Les pertes s’inscrivent sur les corps et les enfants en sont quitte pour fantasmer la douleur. En écho à ce deuil indicible, on regarde les très beaux tirages argentiques morcelés – In Absentia – de Wiame Haddad (Lille, 1987). Ces blancs morceaux de statues -buste, pied, bras, genoux…- matérialisent l’exil comme jamais. Tous les exilés sont des membres séparés d’un tout, des destins pareillement rivés à l’incomplétude.

Exposition collective, Villa Empain, 67, avenue Franklin Roosevelt, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 03/02.

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www.villaempain.com

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