De A.L. Kennedy, éditions L’Olivier, traduit de l’anglais, 330 pages.D’abord, il y a ces deux initiales, A et L. Si l’Ecossaise Alison Louise Kennedy dissimule son prénom sur les couvertures de ses romans, c’est, dit-elle,  » pour se protéger« . Et c’est aussi parce qu’elle considère la littérature comme une activité clandestine: elle a des combats si douloureux à livrer qu’elle veut s’avancer masquée, afin de ne pas tomber dans les pièges que lui tendent les fantômes qui l’assaillent. C’est dire que son £uvre est un exercice de survie,  » pour en apprendre le maximum sur nos âmes » et pour leur éviter le pire. Née à Dundee en 1965, A.L. Kennedy a imposé sa voix en France avec Un besoin absolu, confession d’un écrivain consumé par les remords, et Paradis, plongée terrible dans les abîmes de l’alcoolisme, deux récits très noirs où elle creusait les blessures de ses personnages avec le scalpel d’une écriture chauffée à blanc.

Son dernier roman, Day, est une nouvelle descente aux enfers. Et parce qu’il y est beaucoup question de la guerre – celle de 1939-1945 -, il fait songer à ces monstrueux cratères qui éventrent les paysages, après les bombardements: tout, ici, est en miettes, dans le chaos d’un scénario qu’il faut peu à peu reconstituer, comme un puzzle éparpillé sur les décombres de l’Histoire. Alfred Day, 15 ans, veut oublier son pionnard de père et ne plus l’entendre débiter  » ses putains de plaisanteries« . Alors, parce qu’il rêve d’abandonner le bercail et  » d’être tout là-haut dans l’air pur« , il s’engage dans la Royal Air Force: il ne tardera pas à déchanter, et affrontera bientôt la mort dans la carcasse d’un bombardier en se gavant de benzédrine pour surmonter la peur. Avec, dans son portefeuille, la photo de cette femme – Joyce – qu’il a à peine eu le temps d’aimer… Par éclairs, dans le sinistre fracas des orages d’acier, A.L. Kennedy raconte comment Alfred Day se laissera brûler les ailes par la guerre. Et comment il survivra derrière les barbelés d’un camp de prisonniers avant de rester ligoté à ses funestes souvenirs, à tout jamais. Pour lui, il n’y aura pas de retour à la normale, et ce sont les fragments de sa mémoire brisée que recueille A.L. Kennedy. Son roman est une autopsie du désastre, sous les assauts d’une prose hallucinée, incantatoire, qui ressemble à un cauchemar éveillé.

A.C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content