Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le roi David sur son trône – Six ans après sa sortie DVD, paraît enfin la version CD de l’hypertonique A Reality Tour d’un Bowie alors entouré d’un groupe remarquable.

Double CD « A Reality Tour »

Distribution Sony Music.

Les nouvelles de Bowie sont maigres. Une (fausse) rumeur début 2009 sur de prétendues sessions studio à Berlin, une araignée de Malaisie récemment baptisée heteropada davidbowie (…) et en guise de promo pour le nouveau live, la révélation par l’icône à l’Observer anglais, que son iPod navigue entre Amadou & Mariam, le bluesman Champion Jack Dupree, la musique chinoise et des pièces contemporaines signées John Adams ou Kronos Quartet. Big deal. Secoué par son alerte cardiaque de juin 2004 en Allemagne – et l’angioplastie consécutive -, Bowie semble confiné dans un semi-anonymat qui ne présage rien d’emballant. Hormis quelques apparitions live (Arcade Fire, David Gilmour) et une présence en disques dispensables (Scarlett Johansson, les Danois de Kashmir), rien de significatif. Bowie, 63 ans, a arrêté de fumer – d’où les rondeurs de visage inédites – et semble décidé à cocooner, entre l’épouse divine (Iman) et la fille tardive, Alexandria Zahra, née en août 2000. Ce qui empêche la présente page de virer tout à fait à la rubrique people, c’est la qualité de ce live – le huitième de sa carrière en comptant l’épisode Tin Machine – qui s’avère réellement inspiré.

 » Crazy band », s’exclame Bowie à la sortie d’ Ashes To Ashes, l’un des 33 titres enregistrés les 22 et 23 novembre 2003 à Dublin dans un concert marathon de plus de 2 h 30. De fait, c’est sans doute le meilleur groupe de Bowie en 40 ans: 6 musiciens où se distinguent le claviériste Mike Garson et le guitariste Earl Slick, brillants accompagnateurs intermittents du chanteur depuis les seventies.

L’alchimiste

On reconnaît le talent quand les chansons suivent les vagues du temps, mutent sans se trahir, dans des arrangements qui défient les originaux. Le répertoire de la tournée est glané sur une période qui va de The Man Who Sold The World (1970) aux récents Heathen (2002) et Reality (2003). La capacité alchimique de Bowie est frappante: d’un morceau pourtant sans relief dans sa version originale – Loving The Alien extrait du médiocre Tonight en 1985 -, il fait une déclaration hypnotique, un truc flottant sur sa voix particulièrement saillante. On peut aussi citer Bring Me The Disco King (1993) en cabaret jazz, superbe de résonances années 40. Avec la complicité talentueuse de Mike Garson, acrobate des enluminures fulgurantes, Bowie additionne les grands moments: Under Pressure – Barnum originellement enregistré avec Queen – atterrit ici dans une version où la bassiste Gail Ann Dorsey prend le rôle de la grande Freddie pour une performance vocale remarquable. Ultra sensuelle mais aussi taillant dans des aigus inconnus. Même s’il y a l’une ou l’autre refonte discutable – la version de Heroes est nettement inférieure à l’originale -, la plupart des classiques sont revisités par un Bowie en divine forme vocale et d’un enthousiasme jamais autant publiquement exprimé qu’ici. Ce qui nous fait encore davantage regretter son absence discographique prolongée.

www.davidbowie.com

Philippe Cornet

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