L’homme à la tête de chou aurait fêté ses 80 ans cette année. La Cité de la Musique lui consacre une exposition balisant son ouvre sans l’épuiser. Et Focus s’en rappelle par le biais d’une interview réalisée le 13 décembre 1989, quinze mois avant sa mort. Souvenirs.

Né un 2 avril en 1928, Lucien Ginsburg aurait donc eu 80 ans cette année. Difficile à imaginer. Certes, avec ses airs de dandy sarcastique, il n’aura jamais vraiment été « jeune ». Mais tout de même, atteindre les 80 balais… Pour marquer le coup, les sorties n’ont pas manqué ces derniers mois: livres, disques, et prochainement un film (celui que s’apprête à tourner le dessinateur Joann Sfar)… On n’en a jamais fini avec Gainsbourg. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement? Lui qui a moins dessiné une carrière qu’un labyrinthe…

Pour tenter de démêler l’écheveau, une des possibilités est d’aller faire un tour à l’exposition organisée à la Cité de la Musique. Elle n’est pas parfaite, loin de là. Mais elle donne une lecture de l’£uvre « gainsbourgienne » qui n’est pas dénuée de sens.

Au moment de notre visite, les couvertures des magazines hexagonaux se partagent deux icônes des années 80. D’un côté Coluche, pour le biopic d’Antoine de Caunes, et de l’autre, Gainsbourg et ses 80 ans. Comme si la France se rappelait qu’il y avait une vie avant le politiquement correct… Coluche se promenait une plume dans le derrière, Gainsbarre brûlait des billets en direct. Ces images, l’expo de la Cité de la musique ne les montre pourtant pas. Elle a déjà bien assez à faire avec le chanteur-auteur-compositeur-cinéaste-écrivain… Le double, aviné et enfumé ne se retrouve finalement abordé que par la bande. A la limite, le moment le plus « gainsbarré » de l’exposition n’est même pas à mettre au crédit de l’auteur du Poinçonneur des Lilas, mais bien à celui d’Alain Pacadis, personnage flamboyant des nuits punk parisiennes de la fin des années 70: une vidéo montre un extrait de son passage dans l’émission Apostrophes, chez Pivot, et c’est un moment de télé comme Gainsbarre savait les créer.

Gainsbarre gommé, l’autre absente du parcours est la… musique. Ses chansons sont en fait recluses dans une pièce annexe, écoutables au casque, et à sa guise.

Totems

En quoi consiste alors l’exposition? D’un côté, une vingtaine de piliers recouverts de photos et de vidéos forment les bornes du parcours, étalé sur près de 500 m2. De l’autre, une longue vitrine longe tout un côté de la salle. Y sont disposés des partitions, des notes, et autres bouts de chanson. Un tableau aussi (un autoportrait de 1956); une lettre de Chopin; ou encore dans un coin la fameuse statue de l’homme à tête de chou de Lalanne, qui a donné l’album de 1976.

Mais l’essentiel du parcours passe donc par une forêt de « totems ». Ils illustrent le découpage qu’a effectué Frédéric Sanchez, commissaire de l’exposition: « La Période bleue » (1958-1965), « Les Idoles » (1965-1969), « La Décadanse » (1969-1979), et « Ecce homo » (1979-1991). Designer sonore, Sanchez a également convié une série de personnalités proches de Gainsbourg (de Jane à Charlotte, en passant par Brigitte Fontaine, Adjani, Bashung…) à lire des textes de l’£uvre. Pourquoi pas? Sauf que la man£uvre entre souvent en collision avec le son des extraits de films ou passages télé, proposés sur les fameux piliers. Plus gênant: voir un tel parcours artistique réduit à quelques photos sur des supports a quelque chose de terriblement frustrant. Surtout que l’exposition s’est donné pour but de replacer l’£uvre « gainsbourgienne » dans un contexte élargi à ses sources d’inspiration reconnues (Vian, Dali, Chopin, Bartok, Hopper…). Comme si la matière laissée par l’artiste ne se suffisait pas en elle-même. Bizarrement, pourtant, ce n’est pas tellement l’impression de superficialité qui prévaut. Mais bien celle d’un tourbillon de mots et d’images, de passerelles et de portes à ouvrir. Par exemple, en se replongeant dans les disques de Gainsbourg. A ce niveau-là, l’exposition aura réussi sa mission.

Jusqu’au 1er mars 2009, à la Cité de la musique, Paris. 8 euro. www.cite-musique.fr.

Texte Laurent Hoebrechts

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