Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

apocalypse… now – Paul Haggis confirme la volonté d’un certain Hollywood de confronter le public américain à la question la plus controversée de la politique étrangère des USA.

De Paul Haggis. Avec Tommy Lee Jones, Charlize Theron et Susan Sarandon. Musique: Mark Isham. 2 h. Sortie : 6 février.

L’Irak, c’est aussi chez soi. De Bagdad au Nouveau-Mexique, il n’y a que l’espace d’une permission, prise par un jeune soldat américain qui va mystérieusement disparaître. Pour son père, lui-même ancien militaire de carrière, difficile de croire que Mike puisse avoir déserté. Hank Deerfield va entreprendre de retrouver coûte que coûte son rejeton. De fil en aiguille, de réticences vaincues en secrets dévoilés, il finira par découvrir une lourde et cruelle vérité.

UN RéALISATEUR ENGAGé

Intelligemment co-scénarisé puis réalisé par Paul Haggis, Dans la vallée d’Elah offre à Tommy Lee Jones un rôle à la mesure de son immense présence et d’un talent d’interprète plus subtil qu’on pourrait le croire. Devant la caméra de celui qui écrivit le script de Million Dollar Baby pour Eastwood avant de mettre en scène le saisissant Collision ( Crash), le rude et sobre Texan donne au personnage de Hank une émouvante densité. Cette interprétation retenue, vierge de tout effet héroïque et empreinte de douleur paternelle contenue, est le vecteur idéal d’un récit fuyant lui-même la facilité.

Paul Haggis est un réalisateur subtil. La manière dont il narre sans hâte, sans emphase, la quête/enquête du père si bien incarné par Jones, fait de son film matière à réflexion. Il joue habilement d’un suspense moins lié au sort du soldat disparu (on l’apprend assez vite) qu’aux éléments pouvant peut-être l’expliquer. Parmi ces derniers, les images filmées en Irak sur un GSM et récupérées par le père tiendront un rôle crucial… Elles seules se situent dans la réalité de l’expérience irakienne, mais Dans la vallée d’Elah (1) parle bel et bien de cette guerre où s’enlisent les Etats-Unis. Le film l’évoque certes indirectement, mais le fait avec force. Un peu comme Les Guerriers de l’enfer ( Dog Soldiers), fulgurant chef-d’£uvre de Karel Reisz sorti en 1977, parlait à travers une intrigue criminelle (un trafic de stupéfiants) de cet autre conflit qu’était celui du Viêtnam.

Quelques semaines avant le très engagé Redacted de Brian De Palma, le film de Paul Haggis confirme la volonté d’un certain Hollywood de confronter le public américain à la question la plus brûlante et la plus controversée de la politique étrangère des USA. Alors que le processus de désignation des candidats à la présidence bat son plein, le phénomène, alimenté bientôt par plusieurs autres films, témoigne du regain d’activité des décideurs et créateurs les plus citoyens de l’industrie du film. A la Maison-Blanche, surtout lorsque l’occupaient les républicains, reprocher à cette dernière de pencher politiquement à gauche relevait de l’évidence. Un long moment gelée par le choc du 11 septembre 2001 et ses retombées, cette tendance critique et « libérale » (au sens américain, donc progressiste, du terme) a clairement retrouvé une part de sa combativité.

u (1) Référence biblique au lieu où David combattit Goliath. u http://wip.warnerbros.com/inthevalleyofelah

LOUIS DANVERS

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