Dans la maison

Arte donne à voir sur Internet la très rare série de Pialat contant la vie d’une famille d’accueil durant la Première Guerre mondiale.

« C’est la plus belle chose que j’ai faite », déclarera le réalisateur de Police, Sous le soleil de Satan et Van Gogh à la fin de sa vie. Quand on lui soumet en 1970 le scénario de La Maison des bois, Maurice Pialat le trouve « plein de scènes irréalisables et de bouffonneries assez splendides ». À l’origine, il y a un roman de René Wheeler sur un petit orphelin pendant la guerre 14-18. Le patron de la deuxième chaîne de l’ORTF veut en confier l’adaptation en format feuilleton pour le petit écran au réalisateur. À l’époque, Pialat vient de sortir son premier film L’Enfance nue, l’histoire d’un gamin dit difficile. Et il est un peu considéré comme un spécialiste du monde enfantin. Malgré ses réserves, le cinéaste accepte mais du scénario original, il ne garde pas grand-chose. On est en 1917. La guerre continue ses ravages. Trois jeunes garçons de la capitale débarquent en pension dans un petit village paisible de la banlieue parisienne, à l’arrière du front.

Loin du tumulte mais pas tant que ça, ils sont accueillis par un garde-chasse bonhomme, Papa Albert (Pierre Doris), son épouse, l’aimante Maman Jeanne (Jacqueline Dufranne), leur fils Marcel et leur fille Marguerite. Les pères sont aux combats. Les mères, elles, viennent rendre visite le dimanche, sauf celle d’Hervé, qui a disparu dans la nature.

Le marquis d’à côté perd son épouse. Papa Albert se fait prendre à piquer dans le garde-manger des aviateurs. Marcel part au combat. L’armistice arrive. Les rebondissements sont rares dans La Maison des bois. Mais en sept épisodes d’une cinquantaine de minutes, Pialat, non sans rappeler ses talents de peintre, parvient à brosser une chronique rurale de la Première Guerre mondiale. Il raconte le conflit armé, sans même le montrer, à hauteur de culottes courtes. L’école, l’église, la chorale, le bistro du coin et la gare, forcément. Puis les champs et la forêt comme terrains de jeu. Dans La Maison des bois, les mioches prennent une cuite en buvant le vin blanc de monsieur le curé et vont à la pêche. Ils portent le casque de soldat, font exploser des pétards, jouent à la guerre et tirent à la courte paille celui qui fera le Boche. La vie peut sembler paisible (elle perce les plus sombres grisailles). La toile de fond est bien triste et terne.

Il y a les visites médicales d’admission, les séparations, les lettres venues du front, les permissions, la propagande militariste, les tout jeunes hommes qu’on envoie se faire casser la pipe. Puis, les enterrements, les ambulances, les gueules cassées et les membres en moins. Pialat dit avoir réalisé avec La Maison des bois qu’il était capable de regarder les autres. Il les voit et les représente avec réalisme, justesse de ton, humour même régulièrement, dans une série d’un autre temps qu’il parvient à capturer en prenant le sien.

La Maison des bois

De Maurice Pialat. Avec Pierre Doris, Jacqueline Dufranne, Agathe Natanson. 1971. Disponible sur arte.tv jusqu’au 13/05/2020.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content