Le blues du bayou – Bertrand Tavernier adapte magistralement James Lee Burke dans un polar louisianais hanté. Avec Tommy Lee Jones et John Goodman, impeccables.

De Bertrand Tavernier. Avec Tommy Lee Jones, John Goodman, Peter Sarsgaard. 1 h 57. Sortie: 22/04.

Nul doute que Bertrand Tavernier ait l’américanophilie aussi ardente que sa cinéphilie. D’ Amis américains, le livre-somme qu’il consacrait aux auteurs hollywoodiens, à Mississippi Blues, documentaire qu’il tourna en son temps avec Robert Parrish, son parcours est ainsi balisé de témoignages de son attachement à la culture et l’imaginaire américains. Ne lui restait qu’à tenter l’expérience d’un tournage étatsunien, cap franchi, de maîtresse façon encore bien, avec In the Electric Mist (Dans la brume électrique), magistrale adaptation du roman de James Lee Burke Dans la brume électrique avec les morts confédérés.

La trame en est celle d’un polar, qui voit un shérif peu orthodoxe, Dave Robicheaux (Tommy Lee Jones, justement laconique), traquer un tueur en série s’étant fait une spécialité du meurtre de jeunes femmes. Entre les agissements de Julie Balboni (John Goodman, impressionnant), caïd local reconverti dans le business cinématographique et traînant une drôle de clique à sa suite, et ceux de Elrod T. Sykes (Peter Sarsgaard), une star hollywoodienne imbibée ayant découvert des ossements humains entravés dans un marais, l’affaire prend un tour curieux. Non sans réveiller les fantômes d’un passé que certains auraient voulu enterré à jamais, quand il ne s’agit pas de ceux de morts confédérés…

Marais humains

Adaptant fidèlement Burke, n’était un glissement d’une quinzaine d’années dans le temps, Tavernier signe ici un polar d’une fort appréciable noirceur en même temps qu’en décalage subtil, lequel se double d’un régal de film hanté. Le cinéaste y déploie, outre une maîtrise discrète et un évident souci d’authenticité, un sens aiguisé des atmosphères, parfaitement relayé par l’admirable photographie de Bruno De Keyser, et par la partition de Marco Beltrami. In the Electric Mist se coule ainsi dans le rythme, les tonalités et les impressions d’un Sud portant encore les stigmates de Katrina. A charge, pour le spectateur, de s’y laisser porter par le cours indolent des choses, pour pénétrer plus avant un univers chargé de secrets et non moins avare de surprises.

En résulte une expérience rare, en forme de plongée au c£ur des bayous de Louisiane et des marais humains; un voyage d’une belle intensité, traversé d’éclairs de violence comme de moments d’une souriante humanité, sans même parler d’appréciables touches d’humour à froid. On pense, forcément, à Coup de torchon, du même Tavernier, qui adaptait pour le coup 1275 âmes de Jim Thompson. Combinés à la griffe toute personnelle du réalisateur français, un soupçon de tension suffocante à la Cape Fear (version John Lee Thompson s’entend); un autre de l’esprit qui animait le Cookie’s Fortune de Altman, achèvent de faire de In the Electric Mist un film délectable… Les brumes moites dissipées, ne reste plus qu’à s’abandonner à un intense sentiment de plaisir.

www.tfmdistribution.com/

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Jean-François Pluijgers

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