DAF experiment

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Pionnier de l’électropunk, ancêtre des duos synth pop, DAF voit ses quatre albums pour Mute et Virgin coffrés par le label Grönland. Eins, zwei, drei, vier…

Deutsch Amerikanische Freundschaft

« Das Ist Daf »

Distribué par Grönland.

8

DAF. Pour Deutsch Amerikanische Freundschaft. Soit « Amitiés germano-américaines ». Un nom plein d’ironie pour un projet musical de Düsseldorf se revendiquant anarchiste, anti-impérialiste et anti-consumériste. Un band qui, contrairement aux groupes punk allemands de l’époque imitant le rock anglo-américain, préférait chanter dans sa barbare langue maternelle. Cette langue, DAF la ahanait sur des beats sombres, nerveux, dépouillés et synthétiques. Comme si, à bout de souffle, poursuivi dans la nuit, pris de sueurs froides, il courait sur place tentant d’échapper à on ne sait quelle effrayante menace.

Gabi Delgado-López, émigré punk espagnol qui danse sur I Feel Love dans les clubs de GI’s de la Ruhr, rencontre l’Allemand Robert Görl, homme de conservatoire, alors batteur d’un ensemble de free jazz, un soir de 1978 au Ratinger Hof. C’est l’un des mythiques repaires de la scène punk teutonne où ont entre autres émergé les Toten Hosen. Cette nuit-là, ils ébauchent les contours d’un groupe punk électronique, radical et nouveau. DAF est un quintet de rock traditionnel quand il commence à enregistrer des disques à la toute fin des années 70. Dans sa composition du moins. Voix froide et angoissée, sonorités minimalistes, (post-)punk et répétitives… DAF fait, comme il disait alors, de la musique du corps pour des mouvements compliqués. Et sur ces rythmes hachés scande l’angoisse de l’avenir et de la guerre, la frustration paradoxale née du consumérisme. La violence et l’homosexualité.

Le coffret Das Ist Daf du label Grönland réunit Die Kleinen und Die Bösen, Alles Ist Gut, Gold und Liebe et Für Immer. Les quatre albums sortis par le groupe chez Mute et Virgin entre 1980 et 1982. Punk, électroniques et déstructurés, les DAF se laissaient guider par des machines aussi déglinguées qu’eux. Des synthés dont ils aimaient exploiter la puissance. Le message avec DAF, c’est qu’il n’y a rien de sacré, rien de mauvais, rien de bon. Qu’en fait, il faut tout essayer.

Sexe, danse, amour et politique… Lancé par le jeune Daniel Miller, fondateur de Mute, avant qu’il découvre Depeche Mode, DAF est maître dans l’art de la provocation. Il y a le single controversé sur les Turcs Kebabtraüme (« Rêves de Kebab ») avec ses textes délirants. Puis DAF détourne sans modération les symboles fascistes et n’hésite pas à intituler l’un de ses plus célèbres morceaux Der Mussolini. « Bouge tes fesses et danse le Mussolini, danse le Adolf Hitler et puis danse le Jésus Christ.« On est loin de l’apologie raciste. DAF est avant toute autre chose l’ennemi des idéologies.

Produits par Konrad « Conny » Plank (Kraftwerk, Neu!, Cluster, Devo, Can…), ses trois albums pour Virgin ont installé DAF auprès de Suicide parmi les précurseurs barjots et radicaux des duos synthpop eighties. Un disque de remixes par Giorgio Moroder, WestBam ou encore Boys Noize complète le package. À (re)découvrir d’urgence.

Julien Broquet

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