Daddy cool

© Zackery Michael

Sur son sixième album, St. Vincent relâche la pression, en se lovant dans un rock seventies flamboyant, gorgé de soul et de funk. Gorgeous!

Il n’a fallu que quelques albums à St.Vincent pour devenir l’une des figures les plus importantes de la scène indie rock américaine. Le Grammy du Best alternative music album, décerné pour son disque éponyme, en 2014, a pu y contribuer. Le succès commercial de Masseduction en 2017, aussi. Par la force des choses, Annie Clark, de son vrai nom, a même intégré la sphère pop, rejoignant par exemple sur scène les membres « survivants » de Nirvana pour leur entrée au Rock & Roll Hall of Fame, ou encore en s’offrant un mash-up Masseduction/One Love avec l’Anglaise Dua Lipa lors des Grammys 2019.

Daddy cool

Ce parcours, la musicienne originaire de l’Oklahoma (Tulsa, 1982) l’a toujours voulu accidenté, répétant rarement les mêmes séquences. Quitte à frôler la pose arty, qui peut éventuellement tenir à distance. D’autant que St.Vincent n’a eu de cesse de pratiquer un certain humour à froid, très tongue-in-cheek. Voire un peu cassant -comme quand elle s’amusa à recevoir la presse enfermée dans un cube, répondant aux questions jugées trop banales en se contentant d’appuyer sur un répondeur, débitant d’une voix monotone une réponse préenregistrée…

Les portes du pénitencier

Quatre ans après Masseduction, St. Vincent se permet toutefois d’abaisser (un peu) les défenses. Là où la guitariste jouait l’offensive, Daddy’s Home se veut plus rond, plus détendu. Enregistré au mythique Electric Lady Studios de New York, ce sixieme album sent bon le rock seventies, gorgé de soul (les choeurs un peu partout) et de funk (rappelant même Prince, sur Pay Your Way In Pain). On pense instantanément au Young Americans de Bowie, enregistré en 1974, en partie au même endroit, en pleine désillusion post-hippie,  » dans cette période de transition, qui ressemble un peu à ce que l’on traverse aujourd’hui, où l’on réexamine et déconstruit toutes les vieilles institutions dominantes« , expliquait-elle récemment à Newsweek. Sur The Melting of the Sun, elle rend par exemple hommage à ces artistes qui, comme Joni Mitchell, ont su enfoncer les portes d’une industrie foncièrement sexiste. Si les références seventies abondent, c’est aussi parce qu’elles ont constitué une bonne partie des disques que lui faisait écouter son père, quand elle était gamine. Le paternel est d’ailleurs le point de départ de l’album. En 2019, cet ancien cadre sortait de prison après avoir purgé une peine de dix ans, suite à une condamnation pour une histoire de malversations financières. Annie Clark ne s’était jamais épanchée sur le sujet. Mais il y a deux ans, les tabloïds ont fini par révéler l’affaire. Quitte à ce que celle-ci atterrisse sur la place publique, St.Vincent a donc décidé de reprendre l’histoire à son compte, pour en donner sa propre version. Le plus souvent, avec son ironie et son humour habituels.  » I signed autographs in the visitation room/ Waiting for you the last time, inmate 502″, chante-t-elle par exemple sur Daddy’s Home, se rappelant les demandes de selfie des matons, quand elle se rendait au parloir. Ce qui lui fait conclure:  » If life is a joke, then I’m dying laughing » , sur The Laughing Man. On ne saurait lui donner tort…

St.Vincent

« Daddy’s Home »

Distribué par Virgin.

7

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