2009 est définitivement l’année de Kate Winslet, dont le talent explose dans Revolutionary Road et The Reader. Avec, à la clé, deux Golden Globes et un Oscar bien mérités…

A son propos, Stephen Daldry, son réalisateur de The Reader évoque « l’actrice la plus douée de sa génération ». Le parcours de Kate Winslet parle pour elle, il est vrai: depuis que Peter Jackson la révéla dans Heavenly Creatures, au milieu des années 90, l’actrice britannique a aligné les pépites, de Titanic à Eternal Sun-shine of The Spotless Mind, en passant par Little Children et autre Holy Smoke. Comédienne toutes catégories, donc, à moins qu’il ne faille écrire hors catégorie – ce qu’accréditent les récents Golden Globes, où elle a été couronnée à la fois comme premier rôle féminin pour Revolutionary Road, de son mari Sam Mendes, et comme meilleur second rôle, pour The Reader. Ne restait plus alors qu’à ponctuer l’essai d’un Oscar de la meilleure actrice, la sixième nomination se révélant la bonne pour Kate Winslet.

Performance peu banale, on en conviendra; de celles qui posent une star. Star, Kate Winslet en adopte également la posture lorsque, devant s’acquitter de ses obligations promotionnelles au festival de Berlin, où The Reader est présenté hors compétition, elle opte pour la formule d’une mini conférence de presse – elle, seule, face au feu nourri de questions d’une quarantaine de plumitifs venus du monde entier; un exercice périlleux exécuté, on s’empresse de le préciser, avec un incontestable panache. Et un maximum de professionnalisme, laissant cependant transparaître ce qu’il faut de naturel – ainsi, lorsqu’on évoque les critiques acerbes que lui a réservées récemment une certaine presse britannique, ne cherche-t-elle-même pas à réprimer un « Fuck them all », venu, à l’évidence, du fond du c£ur.

Un curieux pressentiment

Simple parenthèse, toutefois: si elle est là aujourd’hui, c’est pour parler du film de Stephen Daldry – ce Reader qu’elle faillit bien ne pas rejoindre, puisque les dates de tournage initialement prévues coïncidaient avec celles de Revolutionary Road. Pressentie un temps pour la remplacer, Nicole Kidman, avec qui Stephen Daldry avait déjà travaillé sur The Hours, devra à son tour renoncer. Et le projet de revenir vers sa destinataire initiale. « Une chose curieuse, explique Kate Winslet , c’est que même quand il semblait que je ne tournerais pas ce film, le sujet est resté en moi. De façon inexplicable, j’ai gardé cet étrange sentiment que ce n’était pas terminé… » Le rôle de Hannah Schmitz se révélera tout sauf une sinécure. « Il est crucial de comprendre le personnage que l’on joue, poursuit l’actrice , sans devoir pour autant nécessairement l’aimer ou sympathiser avec lui. Le processus de préparation a été assez particulier, parce que je ne savais pas vraiment par où commencer, ni jusqu’où je devrais aller. J’ai donc décidé de revisiter le livre. » Le roman de Bernhard Schlink ne lui était en effet pas inconnu, ouvrage dont la lecture l’avait laissée, six ans plus tôt, « émue et transportée. » « Je l’ai repris, et il ne m’a plus quittée tout au long du processus, je l’ai littéralement absorbé. » A quoi la comédienne ajoutera des recherches sur l’Allemagne pendant et après la Seconde Guerre mondiale, « sur les camps en particulier, et le rôle d’une garde SS ». Et d’autres, sur l’analphabétisme, « sans doute le volet le plus précieux de toute cette préparation. Je ne pouvais humaniser Hannah à l’excès, mais il fallait que ce soit un être humain. C’est une femme, capable d’amour, d’affection et de chaleur. Et c’est aussi une femme vulnérable et effrayée – ce qui transparaît le plus pendant le procès. »

Disparaître dans le personnage

Comme si la complexité du personnage ne suffisait pas, l’actrice aura également dû composer avec diverses scènes de nu, en même temps qu’elle était l’objet d’un saisissant vieillissement à l’écran. « La vanité n’a pas à interférer avec la qualité d’une prestation, et la volonté d’être aussi vraie et honnête que possible, observe Kate Winslet, catégorique. On ne peut se soucier de son apparence – je préfère d’ailleurs avoir un look peu amène à l’écran: la pression est moindre, et on peut vraiment disparaître dans le personnage. A la lecture du scénario, j’ai su que ce serait indispensable. J’étais tellement effrayée à la perspective de jouer Hannah, que chaque jour était un défi, parce qu’il fallait me libérer de cette peur. Pour ce qui est de la nudité, la question ne se pose pas – il s’agit de servir l’histoire, c’est mon job. Quant au vieillissement, cette perspective m’enthousiasmait, je ne l’avais jamais fait auparavant – grâce à cela, j’ai pu jouer le personnage dans son entièreté. » Dût-elle, pour ce faire, s’imposer des séances quotidiennes de 7 heures de maquillage…

A l’arrivée, le personnage de Hannah Schmitz ne manque pas de troubler, éveillant des sentiments divers. « Le simple fait que vous le mentionniez m’incline à penser que vous avez éprouvé une certaine sympathie pour elle. C’est intéressant, parce qu’il y a là une forme de compromis moral. En me lançant dans The Reader , je savais ne pas devoir capitaliser sur la sympathie que pourrait éprouver le public pour Hannah. Mais si le public en venait néanmoins à sympathiser avec elle, avec les dilemmes moraux que cela pouvait supposer, cela devenait intéressant… »

Défi relevé de maîtresse façon par une actrice au sommet de son art. Et désormais plébiscitée de toutes parts. « Je suis une actrice de 33 ans en train de réaliser certains de ses rêves. Je suis consciente d’avoir la chance d’être dans une position incroyable. Le fait que cela arrive en outre lors d’une année remarquable pour le cinéma me procure un sentiment tout à fait spécial… » Encore le meilleur n’est-il, sans doute, qu’à venir…

Texte Jean-François Pluijgers, à Berlin.

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