APRÈS UNE DÉCENNIE D’ERRANCE, LES BRITANNIQUES DE REFLECTION REMETTENT DIGNEMENT À JOUR LEUR TOTÉMIQUE DRIVER ****. UN ÉPISODE HALLUCINÉ QUI JOUE DE LA DÉSINCARNATION AUTOMOBILE À SAN FRANCISCO.

« On n’est pas bien là? Tu les sens les coussins d’huile sous ton cul? Hydropneumatique mon petit bonhomme! » Du tandem Depardieu/Dewaere des Valseuses au Travolta/Jackson de Pulp Fiction, les habitacles automobiles regorgent de scènes d’anthologie au cinéma. Récemment, si Grand Theft Auto V criait sa désillusion du rêve américain dans des conditions similaires, les jeux déroulant des tranches de vie au fil de huis clos motorisés ne courent pas les rues. Grâce à un tour de passe-passe génial, Driver: San Francisco de Reflection explore une mosaïque de destinées sur 4 roues au fil d’un jeu de pilotage urbain aussi filmique et tendu que Bullitt.

Un an avant la première itération en vraie 3D de Grand Theft Auto, Driver inventait le concept de ville ouverte ultra réaliste. On parcourait alors, moquette au volant, New York, Miami, Los Angeles et San Francisco version 70’s. Ces courses-poursuites à tombeau ouvert ont cependant été éclipsées par GTA.  » Ce n’était pas la même expérience de conduite. Mais il faut reconnaître qu’ils ont marqué des points avec un univers nettement plus large que le nôtre qui proposait en outre plus de choses à faire« , sourit Martin Edmondson, fondateur de Reflection et designer du Driver original.

Tranquillement adossé à l’interminable capot d’une Dodge Challenger R/T jaune canari de 1970 plantée au milieu de l’E3 de Los Angeles, le directeur créatif de Driver: San Francisco est sûr de son coup.  » Personnellement, une des conditions qui a motivé mon retour dans la série était la garantie qu’Ubisoft voulait y mettre le paquet. Et n’allait pas bâcler les choses.  » Et de fait, après un troisième et un quatrième volet sans grand intérêt chez Atari, le jeu de courses urbaines aujourd’hui édité par le géant français du jeu vidéo renaît de ses cendres. Mieux, il secoue le petit monde du bitume, qui à l’image de Gran Turismo ou de Forza Motorsport reste engoncé dans un premier degré et un manque d’originalité navrants.

Réincarné en bagnole

Le truc de Driver: San Francisco est digne d’un LSD léché en plein Haight-Ashbury, quartier de Frisco qui a vu naître les hippies. Par un gimmick que ses développeurs ont baptisé le Shift, le joueur peut à tout moment sauter d’un véhicule (en mouvement) à l’autre pour prendre son volant au beau milieu de la circulation. En pratique, cette désincarnation se traduit par un dézoom aérien spectaculaire façon Google Earth. On flotte en suspension au dessus d’une ville au trafic ralenti. Au joueur ensuite de pointer le curseur sur un véhicule pour immédiatement plonger dedans.

En choisissant certaines voitures taguées, ce zapping déclenchera des missions annexes à la trame principale du jeu. Et autant de plongeons jubilatoires dans des saynètes de vie dont Tanner sera l’acteur. Le héros du jeu répondra d’ailleurs du tac au tac à des passagers hauts en couleur et pour le moins surpris des répliques inhabituelles de leur conducteur. Du moniteur d’auto-école insupportable à mater en frôlant la mort à contresens au chauffard pepsodent dont on emboutira volontairement la sportive contre une dépanneuse, Tanner joue à fond la carte du donneur de leçons revanchard. Le tout pour des passages d’anthologie. Sourire aux lèvres garanti.

Certes, la réalisation visuelle ne chauffe pas le hardware de la Xbox 360. Mais cette faiblesse relative (explicable par un frame rate hyper fluide) s’oublie vite. Le héros, utilisant son pouvoir depuis les tréfonds du rêve de son coma (sic!), multiplie ainsi les affaires rocambolesques. Pas qu’un redresseur de torts, le Tanner, puisqu’il se prête aussi à quelques missions secondaires moins reluisantes. Pour aider une équipe de télévision en mal de scoop, on s’amuse ainsi à provoquer des carambolages et autres sauts de l’ange devant leurs objectifs. Mention spéciale également pour une mission où l’on aidera un agent à détruire des affiches de concerts d’un rappeur concurrent.

Si les micro-destinées de Driver: San Francisco se savourent donc comme un film choral en fast-forward, son zapping automobile enlumine également son gameplay. Assez naturellement, lors d’une course urbaine, le Shift permet ainsi de s’extirper d’une voiture pour immédiatement prendre le volant d’une autre sans perdre l’avantage. Cette approche de base se décline également avec finesse par la suite. Un shift rapide permet en effet de zapper d’un véhicule à l’autre au sein d’une patrouille de police pour mieux neutraliser un chauffard. On défendra également un fourgon de la police d’une myriade de voitures kamikazes en leur balançant camions, muscle cars et vans en pleine face.

Plus que par son enquête principale convenue et sans grand intérêt, Driver: San Francisco tient la route par ses à-côtés. Un certain manque de rythme et une redondance polluent d’ailleurs par moments son level design. Mais la prise en mains de ses bolides hétéroclites, entre allemandes nerveuses, drifteuses japonaises et muscle cars vintage, fait oublier les nids de poule. Se frayer un chemin dans la circulation dense et variée en frôlant l’accident au millimètre près relève du sport de glisse urbain. On passe en permanence dans des chas d’aiguille, avec dans les oreilles une septantaine de titres de la meilleure playlist de l’année sur consoles. The Black Keys, les Liars, The Heavy, UNKLE, Archie Bronson Outfit, Black Rebel Motorcycle Club, Elbow, les Stooges, Beck, Eels…: la techno putassière façon Fast & Furious est bien loin dans le rétro. L’ambiance de jeu aussi. Le street racing respire. l

DRIVER: SAN FRANCISCO, ÉDITÉ PAR UBISOFT ET DÉVELOPPÉ PAR REFLECTION, ÂGE 18+, DISPONIBLE SUR PC, PLAYSTATION 3 ET XBOX 360.

TEXTE MICHI-HIRO TAMAÏ

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