Argent ou sentiments – Philippe Blasband explore l’univers de la prostitution dans une fiction dense et intense, aux accents graves et aux riches implications morales.

De Philippe Blasband. Avec Céline Peret, Laurent Capelutto, Véronique Dumont. 1 h 16. Sortie 3/12.

Remarquable auteur dramatique, scénariste de premier plan, Philippe Blasband sait structurer un récit de maîtresse façon. Dans Coquelicots, il fait se croiser les destins de plusieurs personnages ayant en commun d’évoluer dans l’univers de la prostitution. Au centre: Fabrice, un jeune homme apparemment très bien de sa personne, fils dévoué d’une mère aimante, et vaquant discrètement à ses « affaires ». Lesquelles consistent à recruter des jeunes femmes pour qu’elles travaillent comme escortes, et même plus. Ce proxénète tranquille et apparemment peu sensible aux scrupules moraux va être soudainement interpellé par une de ses anciennes « filles », qui lui propose une somme conséquente pour qu’il fournisse de faux papiers à son amie étrangère, clandestine et elle aussi prostituée. Après avoir hésité, il accepte, enclenchant un mécanisme qui provoquera sa chute… Comment un bref instant de générosité peut perdre un homme pourtant roué, connaissant les « règles » de son impitoyable milieu, comment aussi l’argent détruit les sentiments, Coquelicots nous le montre au fil d’une intrigue tendue, où interviennent d’autres histoires donnant au film une dimension chorale. Si l’interprétation y est très inégale, et la mise en images parfois trop sommaire, le grain réaliste et les enjeux moraux, humains, proposés par Philippe Blasband, font du film une expérience à vivre.

à hauteur d’homme

 » Le sujet de la prostitution résonne en moi d’une manière singulière, et avec lui le thème de la perte, qui marque fondamentalement Coquelicots, explique le réalisateur belge. Je ne sais vraiment pas pourquoi et je ne suis pas sûr de vouloir vraiment le savoir…  » Philippe Blasband fait sienne la réflexion de Jaco Van Dormael sur la nécessité de nourrir des sujets très personnels, habités intérieurement, de telle manière à pouvoir les porter longtemps dans une contexte économique du cinéma belge qui tend à longuement retarder la concrétisation des projets. Son film précédent, le très émouvant La Couleur des mots, évoquait la dysphasie, affection dont souffre un des enfants du cinéaste écrivain. Sans relever autant, bien sûr, de la sphère intime, et sans atteindre la même bouleversante intensité, Coquelicots relève d’une démarche qui inscrit le cinéma dans la vie, loin de ces films créés comme des bulles à l’épreuve des atteintes du monde et de la société.  » Les rapports d’argent, qui sont qu’on le veuille ou non déterminants dans notre société, étouffent dans Coquelicots tout rapport amoureux, tout rapport humain, et même tout vrai rapport sexuel, paradoxalement« , commente un Philippe Blasband que la crise financière actuelle fait logiquement réfléchir aux priorités que son cinéma ( Un honnête commerçant, aussi) ne cesse de regretter avec éloquence souvent. Ecrire et filmer à hauteur d’homme (et de femme, bien sûr) ne cessera d’être sa motivation…

Louis Danvers www.climaxfilms.be/fichecoq.html

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