Blague à part – Antoine de Caunes signe une biographie contrastée et inégale de Coluche, campé par un mimétique François-Xavier Demaison.

D’Antoine de Caunes. Avec François-Xavier Demaison, Léa Drucker, Olivier Gourmet. 1 h 43. Sortie: 15/10.

la France pré-mitterrandienne, Michel Colucci (dit Coluche) aura apporté une salutaire dose de poil à gratter, clown de la République qui allait bientôt se mettre en réserve de celle-ci, en se portant candidat à l’élection présidentielle de 1981. Lancée comme quelque gag hénaurme, sa candidature devait bientôt rallier tous les mécontents et, plus fondamental, tous les oubliés d’un système sclérosé. Coluche s’effacerait ensuite, laissant le terrain libre à la gauche, non sans avoir joliment bousculé le paysage politique français.

Je suis contre

C’est à cette période charnière que s’attache Antoine de Caunes dans Coluche, une biographie accompagnant l’humoriste de l’annonce de sa candidature, à l’automne 80, à la victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Choix judicieux, tant l’époque porte en elle les germes d’un changement, que cristallise Coluche (formidable François-Xavier Demaison, d’un exceptionnel mimétisme) sur sa personne, force contradictions à la clé. C’est que, lancée comme une blague de pot(ach)es, la campagne politique de ce dernier fait tâche d’huile, le Parti d’en rire fédérant rapidement les espoirs d’une frange significative des Français. Si bien que le principal intéressé apparaît bientôt au mieux dépassé par les événements, tandis que les états-majors des partis politiques traditionnels tentent pour les uns de le court-circuiter, pour les autres de le phagocyter – Denis Podalydès vaut assurément le détour en Jacques Attali, le conseiller de Mitterrand. Non sans, du reste, qu’il soit l’objet de menaces.

Curieuse époque que le film reconstitue avec soin, distillant une bande-son millésimée et laissant s’y instiller l’humour – Georges Marchais interrogé par Jean-Pierre Elkabbach sur la loyauté de Mitterrand, mais aussi, évidemment, divers traits d’esprit d’un Coluche qui, par exemple, à Libé voulant recueillir son témoignage sur la mort de John Lennon répondra, pour tout épitaphe: Je suis contre. Un film qui livre par ailleurs un portrait contrasté de l’homme, capable d’élans généreux mais aussi d’ingratitude; offrant un curieux cocktail d’engagement et d’irresponsabilité; accueilli comme un sauveur par les exclus du monde mais trop occupé à se « poudrer » le nez pour réellement s’en soucier, et on en passe…

Où est la subversion?

Si la mise en scène manque quelque peu de souffle et de rythme, tout en semblant par moments gagnée par la confusion habitant Coluche, le film d’Antoine de Caunes n’est pas, pour autant, dénué d’intérêt. Evitant le piège de l’hagiographie, le dépeignant même sous un jour plutôt désagréable, le cinéaste donne à son sujet une véritable épaisseur. Et s’il l’exonère sur la fin, rappelant, à raison d’ailleurs, que Coluche fut aussi l’instigateur des Restos du c£ur, on y verra surtout le fruit d’une prise de conscience tardive.

Au-delà même de la figure de Coluche, le film porte en creux une passionnante réflexion sur la liberté d’expression. Impossible, lorsqu’on entend le comique haranguer les spectateurs au théâtre du Gymnase, de ne pas s’étonner de la licence du propos. A croire que de la verve de leur modèle, les amuseurs autoproclamés d’aujourd’hui n’ont conservé que le côté franchouillard pénible, au détriment de tout discours subversif. C’est Sarkozy qui pavoise…; il n’est, du reste, pas défendu de pousser plus loin le parallèle entre les deux époques.

Jean-François Pluijgers

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