Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

DEUX URGENTISTES ÉVADÉS DE L’INSTITUTION LIVERPULDIENNE FONT LE MUR AVEC LE CHIRURGICAL ADRIAN SHERWOOD POUR UN DISQUE KRAUT SOUS BAXTER DUB.

Higher Authorities

« Neptune »

DISTRIBUÉ PAR DOMINO/V2.

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Les raisons ont beau se révéler plus ou moins obscures et vaseuses, le 20 avril est une date particulière pour les fumeurs d’herbe et les amateurs de pétards. Une espèce d’Oktoberfest de la marijuana. C’est la date choisie par les mystérieux Higher Authorities, apparemment consommateurs avisés, pour la sortie de Neptune, leur premier album. La bio qui l’accompagne joue la carte de l’ombre et de l’énigme. « Neptune est une nouvelle expression de la collaboration fructueuse entre deux membres d’un groupe culte perpétuant depuis pratiquement 20 ans la riche tradition psychédélique britannique. » Un nom? Pas même celui des musiciens. Il faudra pour une fois mettre le vinyle sur la platine, le CD dans le lecteur ou le fichier dans l’iTunes avant d’en savoir plus. Le jeu en vaut la chandelle et le mystère est vite levé. Ces Autorités supérieures, ce sont Jonathan Hartley et Ade Blackburn, les guitares, les claviers et la voix si singulière, étranglée et étouffée de Clinic. Bon sang mais c’est bien sûr. Le groupe n’a plus rien sorti depuis quatre ans, trois si on compte la version alternative de son Free Reign (Free Reign II) avec les mixes initiaux de Daniel « Oneohtrix Point Never » Lopatin. Et l’ananas qui tète le cigare sur la pochette fait référence aux maisons des riches marchands de Liverpool qui arboraient jadis le fruit exotique aux montants de leur porte…

« Additional production and mix by Adrian Sherwood. » Si les deux urgentistes avancent masqués, et pas cette fois derrière leurs déguisements d’inquiétants chirurgiens, ils ont pris soin de mentionner celui de leur aide-soignant. Célèbre pour ses expérimentations, Sherwood le Londonien a imposé sa griffe en introduisant les effets et les techniques de mixage dub à l’Electronic Dance Music et à des projets plus mainstream. Au chevet d’un demi-Clinic, il réussit quelque part, lui qui avait travaillé avec la bande à Bobby Gillespie sur son album de remixes Echo Dek, ce qu’Andrew Weatherall était parvenu à faire avec Primal Scream et son Screamadelica en 1991: enrichir totalement un univers et emmener un groupe de rock assez clairement identifié dans une dimension qui n’est pas la sienne. Un peu comme il lui aurait fabriqué des faux papiers mais sans pouvoir pour autant le rendre méconnaissable.

Inspiré selon ses fabricants par la disco bon marché des années 70 (Boney M., Odyssey), comme par The Invaders, Jean-Pierre Massiera et Cabaret Voltaire, mais aussi par le troisième volume des compilations Pebbles (des pédales cheap, un côté amateur et surchargé dans l’écho et les effets), Neptune est à la fois dieu des eaux vives et planète mystérieuse. Un disque kraut sombre et psychédélique sous perfusions dub et électronique. Un disque noir qui a du groove, truffé d’effets sonores, de vieilles drum machines et de synthés vintage. Les conspirationnistes ont raison: des organisations secrètes contrôlent le monde. Mais elles ne sont pas sinistres et malveillantes. Elles font avancer la musique. L’oreille alerte et la tête Higher…

JULIEN BROQUET

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