Le fil d’Ariane – Quatre films, dont certains guère connus, viennent témoigner de l’art subtil et élégamment subversif de Billy Wilder. Irrésistible.

Initiative bienvenue que celle de l’éditeur de DVD Carlotta qui, non content d’exhumer Ariane, comédie douce-amère tournée par Billy Wilder en 1957, en fait coïncider la sortie avec celle des trois premiers films qu’il réalisa à Hollywood, au début des années 40. Une façon de remonter aux sources de l’£uvre de cet auteur complet dont la touch toute particulière devait faire merveille dans des classiques comme The Seven Year Itch et Some Like It Hot.

Sans avoir la notoriété de ceux-là, Ariane n’en est pas moins tout à fait exemplaire de l’art de Billy Wilder. Le film a pour cadre Paris, où Ariane (Audrey Hepburn), une jeune étudiante, nourrit ses rêves romanesques en compulsant en secret les dossiers de son père, le détective privé Claude Chavasse (Maurice Chevalier). Après que ce dernier a été engagé par un mari jaloux pour épier son épouse et Frank Flannagan (Gary Cooper), un riche industriel américain doublé d’un séducteur impénitent, la jeune fille décide de voler au secours du Don Juan menacé de mort…

Adapté du roman de Claude Anet, Ariane déploie des arguments de charme, instruisant un jeu subtil et délicieux avec le spectateur, en même temps qu’il se joue des codes moraux en vigueur à l’époque. Le tout, exécuté avec un doigté exquis, une fluidité de chaque mouvement (le final est sublime) et une grâce toute musicale, à laquelle la lumineuse Audrey Hepburn n’est bien sûr pas étrangère. Les compléments sont passionnants: N.T. Binh décortique le travail de Wilder, tandis que Hubert de Givenchy retrace sa collaboration avec l’actrice.

Héritage solide Changement de registre avec Double Indemnity, classique du film noir. On ne résiste pas au plaisir de revoir Fred MacMurray, en assureur, succomber au charme de Barbara Stanwyck dans l’emploi de la femme fatale. Dialogues au cordeau, narration tendue, mise en scène limpide. Quant à Five Graves to Cairo, il a pour cadre une oasis tenant lieu de quartier général aux troupes de Rommel en 1942, où un soldat anglais emprunte l’identité d’un espion allemand disparu pour échapper aux occupants… Double jeu et inclinations mélodramatiques irriguent ce film de guerre, magnifié par la photographie de John Seitz et la musique de Miklos Rozsa. Enfin, première réalisation de Wilder à Hollywood, The Major and The Minor est une £uvre tout à fait étonnante. « Une version chaste de Lolita« , pour reprendre la description du cinéaste où, lasse des avances de ses clients, Susan Applegate, une coiffeuse (Ginger Rogers), décide de quitter New York pour rentrer au pays, non sans se déguiser en écolière afin de payer demi-tarif. Ce faisant, elle ne manque pas d’éblouir le major Kirby (Ray Milland), homme d’âge mûr l’ayant soustraite à l’attention des contrôleurs. L’héritage de la comédie sophistiquée à la Lubitsch, dont il avait été le scénariste, est passé par là; Wilder saura en faire très bon usage, non sans joliment défier les tabous… En complément, une exceptionnelle interview du metteur en scène conduite par Michel Ciment en 1980 à Los Angeles. Que du bonheur. l

Jean-François Pluijgers

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