City of stars

Avec La La Land, Damien Chazelle inscrit la comédie musicale classique dans le paysage contemporain. Une éblouissante réussite.

La La Land

De Damien Chazelle. Avec Emma Stone, Ryan Gosling, John Legend. 2h08. Dist: Belga.

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Le 26 février dernier, Damien Chazelle devenait, à l’âge de 32 ans et 38 jours à peine, le plus jeune lauréat de l’Oscar du meilleur réalisateur -l’une des six statuettes (aux côtés notamment de celles de la meilleure actrice pour Emma Stone, et de la meilleure musique pour Justin Hurwitz) glanées par La La Land, son troisième long métrage après le méconnu Guy and Madeline on a Park Bench en 2009 et Whiplash cinq ans plus tard. Le cinéaste originaire de Providence, Rhode Island, y rend ses couleurs à un genre quelque peu tombé en désuétude, la comédie musicale classique, convoquant le souvenir des Vincente Minnelli, Stanley Donen, Gene Kelly, et autre Jacques Demy. Mais s’il y a là un hommage enlevé, l’entreprise n’est pas que muséale pour autant, et Chazelle, assurément respectueux de ses modèles, inscrit aussi son propos dans le paysage contemporain, expliquant d’ailleurs, dans les copieux compléments qui relèvent l’édition Blu-ray de La La Land, avoir voulu « parler de la vie moderne à travers une tradition cinématographique. »

Un pari relevé haut la main dans un film s’appuyant sur un livret somme toute éprouvé, à savoir l’histoire de Mia (Emma Stone) et de Sebastian (Ryan Gosling), une aspirante comédienne travaillant dans la cafétéria d’un studio entre deux auditions calamiteuses, et un pianiste de jazz puriste, végétant de resto en party hollywoodienne, en attendant de pouvoir ouvrir un club vintage. Si leur première rencontre, dans la paralysie d’un embouteillage angelino, n’a rien d’engageant -un doigt d’honneur rageur répond à un coup de klaxon intempestif-, le coup de foudre n’est pourtant guère éloigné, qui va bientôt les réunir pour rapidement mettre, le temps de quatre saisons, leur relation balbutiante à l’épreuve de leurs aspirations respectives et de la vie trépidante de l’usine à rêves.

De ce modèle pour comédie romantique, Chazelle tire un film virevoltant dont la première scène, une chorégraphie endiablée tournée en plan-séquence par une caméra dansante sur une autoroute de Los Angeles, donne le LA. La suite n’est pas moins euphorisante, où le réalisateur enchaîne les grands numéros et autres morceaux d’anthologie -hommage à Singin’ in the Rain et citation de Rebel without a Cause compris- comme à la parade, tout en laissant l’émotion, la mélancolie et jusqu’à l’amertume s’insinuer à l’écran. Le tout, avec une fraîcheur et une liberté sublimant le carcan styl(is)é du musical. Porté par un duo d’interprètes au charisme simplement ravageur, il y a là une ode lumineuse au cinéma, à la musique et à Los Angeles, doublée d’une réflexion inspirée sur l’art et les compromis. Et, référencée et moderne à la fois, une comédie musicale irrésistible. City of stars…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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