Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Entre les frères Dardenne et Harry Potter, aucun point commun? Si, leurs voies opposées ont chacune marqué une décennie où l’animation et le « world cinema » ont aussi tenu la vedette. Les années 60 avaient été façonnées par la fin de l’âge d’or des studios hollywoodiens, l’avènement de la Nouvelle Vague et celui du cinéma indépendant américain. Les seventies avaient révélé la dernière grande génération américaine (Coppola, Scorsese, De Palma, Spielberg) et annoncé l’ère des « blockbusters ». Les années 80 virent s’enclencher la logique des suites à n’en plus finir, les années 90 fleurir les « remakes », et se pointer la révolution des images de synthèse. La décennie qui s’achève aura été rythmée, de manière on ne peut plus paradoxale, par un double et contradictoire accent sur une ligne réaliste, sociale, et une autre fantastique, surnaturelle. Les frères Dardenne ont incarné la première mieux qu’aucun autre cinéaste. La série des Harry Potter aura dominé la seconde, avant que les vampires d’une autre saga, Twilight, ne montrent leurs canines en toute dernière minute. Mais il faut aussi relever le succès des films d’animation, y compris ceux s’adressant au public adulte comme Persepolis et Waltz With Bashir. Sans oublier la consécration de réalisateurs venus d’un peu partout comme Inarritu, Kore-eda, Suleiman, Jia ou Del Toro. Le « world cinema » s’affiche désormais sur nos écrans avec une abondance inédite, même si le marché reste largement dominé par de grosses productions anglo-saxonnes de plus en plus digitalisées.

Un prophète

De Jacques Audiard, 2009.

Ce film de prison extraordinaire constitue le point culminant de la trajectoire de Jacques Audiard. Réalisateur au trait précis et à l’exigence féconde, il avait déjà marqué la décennie avec Sur mes lèvres (2001) et De battre mon c£ur s’est arrêté(2005). Son Prophète transcende les codes du film de genre pour offrir un regard unique sur les dérives de l’univers carcéral, et la naissance de futurs caïds naviguant entre Islam fondamentaliste et marge criminelle. L.D.

Elephant

De Gus Van Sant, 2003.

S’inspirant librement du massacre commis au lycée de Columbine, Van Sant crée un film à la fois terrible et beau. Une méditation sur la jeunesse et la violence qui ne cherche pas de justification. Bousculant les codes narratifs et chronologiques, le cinéaste nous invite à une balade sauvage, un itinéraire subjectif, émotionnel, dans lequel nous pouvons emmener nos propres interrogations sur un événement si difficile à comprendre. L.D.

Le Voyage de Chihiro

De Hayao Miyazaki, 2001.

Dans une décennie marquée par le triomphe de l’animation en images de synthèse, c’est un film réalisé selon les techniques du dessin animé classique qui a tenu la vedette, artistiquement parlant. Récit fantastique du périple d’une gamine séparée de ses parents dans un univers parallèle et poétique, Le Voyage de Chihiro est le chef-d’£uvre d’un Miyazaki au sommet de son art, mais jamais oublieux du public. L.D.

Le Labyrinthe de Pan

De Guillermo del Toro, 2006.

Aux confins du fantastique et du politique, de la poésie des contes et de l’épouvante des vertiges existentiels, Le Labyrinthe de Pan fut l’une des plus remarquables surprises de la décennie. Guillermo del Toro y prend pour héroïne une fillette qui suit sa mère remariée avec un cruel officier franquiste dans l’Espagne des années 40. Un mystère fascinant, filmé avec une force évocatrice stupéfiante par un artiste en apesanteur. L.D.

Le Fils

De Luc et Jean-Pierre Dardenne, 2002.

Plus encore que Rosetta, Palme d’Or surprise au Festival de Cannes en 1999, ce film admirable a porté à incandescence le talent de Jean-Pierre et Luc Dardenne et leur approche très personnelle d’un cinéma tout à la fois rigoureux à l’extrême dans la forme, et en prise directe avec la société de son temps. Le réalisme stylé des frères belges aura marqué la décennie, avec une seconde Palme d’Or pour L’Enfant (en 2005). L.D.

Amores Perros

De Alejandro Gonzalez Inarritu, 2000.

Autour d’un accident de la circulation, et des destins croisés de plusieurs personnages que l’événement met en relation, ce premier long métrage bunuélien, plein d’audace et d’originalité, révèle le talent fou du jeune réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu et de son scénariste Guillermo Arriaga. Lesquels marqueront encore ensemble la décennie avec 21 Grams (2003) et Babel (2006). Le film dévoile aussi un acteur à suivre, Gael Garcia Bernal. L.D.

4 mois, 3 semaines, 2 jours

De Cristian Mungiu, 2007.

Un plan séquence suffit pour ressentir l’évidence de ce qui va être un grand film, et la révélation d’un jeune cinéaste de grand talent. Palme d’Or au Festival de Cannes, cette £uvre captivante, dérangeante, narre l’épreuve vécue par une étudiante souhaitant avorter alors que la dictature de Ceausescu va vers sa fin. Un film de résistance, à sa façon, et une preuve éclatante de l’extraordinaire vivacité du jeune cinéma roumain. L.D.

The Lord Of The Rings – Trilogy

De Peter Jackson, 2001, 2002 et 2003.

La trilogie du Seigneur des anneaux adaptée des romans de Tolkien par Peter Jackson aura été l’événement majeur du début de la décennie. Un sommet de cinéma spectacle, riche en frissons et en confrontations mais aussi en humour et en poésie visuelle. Avec, en prime, un usage idéal des technologies digitales de pointe au service d’une démarche simultanément artistique et populaire. L.D.

Caché

De Michael Haneke, 2005.

Haneke a terminé la décennie sur le triomphe cannois de son remarquable Das Weisse Band. Mais cette Palme d’Or ne saurait faire oublier l’impact phénoménal que Caché(Prix de la Mise en scène au même Festival) peut avoir sur le spectateur. Un passé douloureux, lié à l’époque coloniale, y rattrape un intellectuel, sur fond de viol de l’intimité par le voyeurisme ambiant et de violence se nourrissant de culpabilité. Un très grand film utilement perturbant. L.D.

Nobody Knows

De Hirozaku Kore-eda, 2004.

Kore-eda est sans nul doute un des meilleurs cinéastes de son temps. Still Walking est venu le rappeler tout récemment. Son sobre et émouvant Nobody Knows s’inspire d’un fait divers réel pour évoquer la survie d’un petit groupe d’enfants abandonnés à eux-mêmes par leur mère au beau milieu d’une grande ville. Invisibles pour la société, ces mômes inoubliables de justesse nous posent plus d’une question pertinente sur l’état du monde… L.D.

Louis Danvers

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