Le nouveau Musée du Cinéma fait l’événement à Bruxelles. Rebaptisé Cinematek, il entend poursuivre son indispensable travail, avec aux commandes une Gabrielle Claes plus passionnée que jamais.
C’est le moment, c’est l’heure! A l’attente de la fin de longs travaux succède le bonheur de retrouver un Musée du Cinéma largement agrandi et prêt à s’inscrire dans l’époque tout en poursuivant avec rigueur (et plaisir!) la mission dont il ne s’est jamais détourné. Conservatrice de la Cinémathèque Royale de Belgique – désormais appelée Cinematek -, Gabrielle Claes nous en livre les clés…
Focus: pendant les travaux, l’entreprise a continué, bien sûr. Avec quels résultats?
Gabrielle Claes: les activités normales de la Cinémathèque ne se sont bien évidemment pas interrompues. Pour les projections, nous avons étés hébergés par le Shell Building, à deux pas du Musée. Nous avons adapté notre programmation à cette salle plus de deux fois plus grande (260 places) que la nôtre, en privilégiant certains choix aptes à amener du monde. Cela a bien fonctionné. Heureusement d’ailleurs, car les travaux ont étés plus longs que prévu… Sous la terre que nous creusions pour étendre le Musée sur deux étages, nous avons trouvé des débris de la construction du Palais des Beaux-Arts. Dieu merci, nous ne sommes pas tombés sur quelque important vestige archéologique qui aurait encore bien plus retardé les choses!
Quels sont vos sentiments à la veille de cette réouverture?
Je suis consciente du grand défi que cela représente. Nous avons en quelque sorte fait table rase. L’ancien Musée a été complètement démoli. Tout le concept a été repensé. Nos idées, nos solutions, ont-elles été les bonnes? Nous avons renoncé au dé-pliant de l’ancienne brochure pour la remplacer par une nouvelle publication plus détaillée, avec des articles sur les différentes programmations. Nous avons introduit le numérique, essentiellement pour la projection de films récents qui se trouvent déjà sur ce nouveau support. Même quand on est un Musée, il faut avancer! Nous avons aussi interrogé la notion d’exposition, pour laquelle nous avons gagné de la place (l’espace dévolu aux deux anciennes salles détruites). A la partie didactique, consacrée à la préhistoire du cinéma et située désormais dans l’espace un peu sombre d’un cabinet de curiosités, s’ajoutent quatre consoles numériques où seront montrés des films d’ordre documentaire que nous ne projetons par ailleurs pas dans notre programmation en salles. Il y aura là toute la mémoire d’avant la télévision, le Congo belge, les deux guerres, la vie quotidienne des Belges, des publicités d’époque, le tout faisant une petite centaine d’heures façonnées selon un menu dans lequel le visiteur choisira ce qu’il veut voir. On trouvera ensuite une troisième zone, qui s’appelle « remix » et qui est un brassage d’images. Dans la logique de l’art contemporain, nous avons installé un dispositif de huit écrans suspendus au plafond et sur lesquels tourneront des fragments de films rassemblés selon des thèmes esthétiques. Cet espace sera ouvert à des créateurs qui s’y exprimeront. Dernière partie de la zone expo, une salle montrera ce qu’on pourrait appeler des bonus permanents, des bandes de lancement, des documentaires, en liaison avec la programmation (cycles, rétrospectives, festivals, etc.). Nous attendons les réactions du public avec impatience…
Le monde change, le rapport à l’image également. Comment entrer de plain-pied dans cet environnement en pleine et parfois brutale évolution?
C’est bien sûr la question de fond! Le monde a changé. Les gens voient aujourd’hui plus de films qu’ils n’en ont sans doute jamais vus, ils ont accès à tout ou presque. Nous ne pouvons pas concurrencer tout ça. Il nous faut convaincre, aller à rebrousse-poil, faire comprendre aux gens qu’ils ne doivent pas restés vautrés devant leur DVD ou leur ordinateur mais qu’il leur faut venir au Musée du Cinéma. L’idée, c’est de dire: voilà, c’est une collection, elle est présentée de manière organisée, nous la proposons en cycles, avec des fils rouges, une certaine logique qui permet aux gens de structurer leur découverte du cinéma. Je pense qu’il y a une demande de la part de spectateurs qui souhaitent autre chose que la consommation tous azimuts et désordonnée qui s’offre à eux par ailleurs.
Le changement de nom va sans doute faire jaser. Cinematek, après Bozar, Musiq 3, Bootik, etc.
Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour que je puisse en rire… comme j’ai ri, au début, de Bozar. Ce langage façon SMS, je n’en pense pas forcément du bien. Je rirai donc si, comme probablement, le sociologue Claude Javeau nous épingle dans sa chronique de La Libre Belgique! Mais il faut être pragmatique. On se retrouvait avec un nom flamand et un nom francophone pour le Musée, et la même chose pour la Cinémathèque. Il est vrai qu’un nom unique, au lieu de quatre, possède quelques vertus… J’aimais bien au départ jouer autour du mot Musée. Mais le meilleur commun dénominateur a donné Cinematek. Le cinéma, et notre collection, étant tout de même au centre de tout.
Entretien Louis Danvers
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