Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

CHRISTOPHE HONORÉ PASSE DU LÉGER AU GRAVE DANS DES BIEN-AIMÉS À L’ÉMOUVANTE MÉLANCOLIE. MÊME DENEUVE EST ENTRÉE DANS LA RÉALITÉ INTIME DE CE CINÉASTE PASSIONNÉ.

Tout a commencé dans un cinéma de Nantes, quand Christophe Honoré n’avait que 13 ou 14 ans. Sur l’écran, il y avait le merveilleux Lola de Jacques Demy. Sa grand-mère, à laquelle il en parlait, dit à l’adolescent qu’elle se souvenait du tournage effectué dans la ville.  » D’un seul coup, se rappelle le réalisateur des Chansons d’amour et des Bien-aimés, je me retrouvais profondément ému par un film, informé de la manière dont il avait été fait, en Bretagne et par un Breton qui plus est! » Tout était donc possible, et le jeune natif des Côtes d’Armor, après une école de cinéma à Rennes, fit le voyage de Paris pour y devenir critique aux Cahiers du Cinéma, et pour passer ensuite à la réalisation avec 17 fois Cécile Cassard. Huit films plus tard, le prolifique et volontiers audacieux metteur en scène de Ma mère et Dans Paris signe un film « en chanté » qu’aurait pu aimer Jacques Demy et où brille celle que le même Demy révéla: Catherine Deneuve. Laquelle est jouée, jeune, par Ludivine Sagnier, et a pour fille dans la fiction sa propre fille dans la vie, Chiara Mastroianni.  » La présence de Chiara, l’intimité de leur rapport, m’ont sans doute permis de filmer une Deneuve plus réelle qu’elle n’apparaît le plus souvent à l’écran, explique Honoré. C’était déjà émouvant au tournage, j’espère que cela l’est aussi pour qui regarde le film…  »

 » Le pari des Bien-aimés est de commencer dans la légèreté pop, joyeuse, prendre le risque d’apparaître frivole, et puis progressivement faire affleurer le drame, l’émotion, la mélancolie. C’est tout sauf évident, mais il faut faire confiance au spectateur, se dire qu’il peut faire le trajet, accepter le changement de registre… dans un paysage cinématographique où la plupart des films avancent sur une voix unique, lisible d’emblée, rassurant le public. »

Une question d’aiguillages

 » Truffaut parlait des films qui avancent comme des trains dans la nuit, sourit Christophe Honoré, moi je préfère ceux qui s’arrêtent à plusieurs gares, empruntent des aiguillages différents, et même parfois reviennent en arrière! » Le cinéaste se réclame d’une démarche certes globalement réaliste,  » mais qui fait en sorte que le spectateur se voie toujours rappelé, à un moment ou à un autre, qu’il est au cinéma.  »  » C’est une sorte de loyauté envers le public de lui dire -sans tomber dans le maniérisme- que le cinéma n’est pas la vie, même s’il peut permettre de mieux la ressentir, la comprendre, voire la vivre… » Qu’il parle d’amour ou non, le cinéma reste, aux yeux d’Honoré,  » le lieu du désir« .  » C’est une dimension essentielle, même si elle tend à disparaître aujourd’hui, en Europe en tout cas, au profit de films ayant un sujet directement visible, consommable, conclut-il un peu amèrement. Les films des années 70 de Wim Wenders, on ne cherchait pas à savoir s’ils parlaient de quelque chose d’important, ils nous emmenaient dans un monde qui nous suffisait, on avait juste envie de monter en voiture avec les personnages et d’aller où ils allaient. Aujourd’hui, on me dit que cela ne suffit plus, alors je travaille en résistance, sur la voie de ce désir particulier qu’a fait naître le cinéma d’auteur européen face au désir absolu dont joue -si bien- le cinéma américain.  »

LOUIS DANVERS

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