
Chouette
À la suite d’un rêve troublant où elle vivait intensément une nuit d’amour avec un rapace femelle (figure rassurante de son enfance, devenue fantasmatique), Tiny, violoncelliste de concert, découvre qu’elle est enceinte. D’instinct, la voici convaincue qu’elle va accoucher d’un bébé chouette. Elle appréhende donc terriblement cette grossesse, à l’inverse de son mari qui, fou de joie à l’idée d’être père, tente de la persuader qu’elle est paranoïaque. Un mois avant terme, c’est pourtant bien un enfant à l’altérité saisissante qui va naître. Minuscule, munie d’un bec et sauvage en diable, Chouette (que le mari s’obstine à appeler Charlotte) déchiquette le sein de Tiny quand elle cherche à l’allaiter et les premières semaines sont éprouvantes. Passé le choc, la jeune mère s’obstine et décide d’accepter la singularité de sa progéniture (y compris en la nourrissant de rongeurs) plutôt que de vivre dans le regret d’une petite fille ordinaire qui parlerait, marcherait, grandirait. A contrario, son époux, dans le rejet frontal, utilisera des méthodes retorses (y compris le gaslighting et l’internement) et visitera quantité de spécialistes afin de faire rentrer dans le moule (celui des “enfants-chiens”) cette créature qu’il juge monstrueuse. Oscillant entre le conte horrifique façon Angela Carter et l’expérience universelle contrariée teintée d’humour grinçant, Claire Oshetsky éviscère (au sens propre comme figuré) l’urgence de la société à canaliser les êtres hors norme et explore comme personne d’autre la férocité indéfectible du lien maternel.
De Claire Oshetsky, éditions Phébus, traduit de l’anglais (États-Unis)
par Karine Lalechère, 288 pages.
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