Chienne de guerre

L’oeuvre de Dave McKean est toujours proche du spectacle total. Il revient aujourd’hui avec une bande dessinée en lien avec la Der des Ders.

Derrière l’appellation ronflante de « Commission artistique du centenaire de la Première Guerre mondiale » se cache une kyrielle d’associations britanniques rassemblées autour des célébrations de la Grande Guerre et désireuses d’enrichir leur programme culturel avec de la bande dessinée. Le choix de Dave McKean s’est imposé à elles grâce à la renommée internationale de l’auteur, mais aussi grâce à sa vision artistique affranchie des frontières entre disciplines. En effet, il a toujours fait profiter ses lecteurs de toute la palette de ses compétences, allant du dessin au collage en passant par la photographie et le digital. Si le parti pris de l’auteur d’aborder le sujet par la voix du peintre Paul Nash (1889-1946) semble évident pour un Anglais, il peut en revanche laisser le lecteur continental perplexe. Un peu d’Histoire: l’artiste peintre s’est engagé dans l’armée britannique quelques semaines après le début du conflit. « Les oeuvres qu’il créa après son service sur les lignes du front, d’abord en tant que soldat, puis en tant qu’artiste de guerre officiel, font partie des témoignages les plus forts sur la Première Guerre mondiale« , rappelle Jenny Waldman, directrice de 14-18 NOW, à l’origine du projet. Disons, pour résumer, que Paul Nash est l’Otto Dix d’outre-Manche, histoire de situer son aura au pays de sa très Gracieuse Majesté.

Chienne de guerre

Les origines du mal

Comme dans la majorité de son oeuvre, McKean a choisi l’angle onirique pour nous parler des pensées qui habitent le cerveau du peintre. Dans une succession de tableaux, l’auteur expose les angoisses pré- et posttraumatiques de Nash, mêlant souvenirs d’enfance et de vie dans les tranchées. On ne saura pas s’ils sont véridiques, mais cela importe peu: les traumatismes subis par la piétaille soldatesque dans un conflit quel qu’il soit ne sont-ils pas universels? Même si cet ouvrage est un travail de commande, Dave McKean s’est jeté corps et âme dans le projet, révélant une fois de plus sa maestria dans l’art d’explorer et de rendre la psyché humaine: c’est beau et terrifiant à la fois. Dans cette veine, McKean n’en est pas à son coup d’essai. Dans les années 80, il fut, à l’instar du duo Frank Miller/Bill Sienkiewicz, à l’origine du renouveau des comics de bodybuildés en caleçon moulant, offrant ainsi parmi les plus belles et originales pages de bande dessinée, amenant le genre dans la sphère adulte en explorant le côté obscur de leurs personnages, sous le haut patronage de l’écrivain/scénariste Neil Gaiman. N’ayant visiblement toujours pas fait le tour de nos ténèbres intérieures, McKean revient plus déprimé que jamais, pour notre plus grand plaisir visuel.

Black Dog, les rêves de Paul Nash

De Dave McKean, éditions Glénat, 120 pages.

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