Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, Amerrika, le premier long métrage de Cherien Dabis, en aura constitué l’une des belles surprises. En son c£ur, Mouna,Palestinienne divorcée, et son fils Fadi, qui décident de quitter le quotidien incertain des territoires occupés pour rejoindre leurs proches, installés depuis 15 ans dans l’Illinois. Si l’accueil familial est à hauteur des espérances, l’Amérique, engagée dans sa guerre contre Saddam, est loin pourtant de l’eldorado escompté…

Cette histoire, la jeune cinéaste en a puisé l’inspiration dans son vécu. « Le film découle de l’expérience de ma famille pendant la première guerre du Golfe, explique-t-elle quand on la rencontre à Cannes. Mon père est palestinien, ma mère jordanienne, ils ont émigré aux Etats-Unis juste avant ma naissance. Jusqu’à la guerre, mon père, médecin, était une personnalité appréciée. Du jour au lendemain, les choses ont basculé: ses patients l’ont quitté, nous avons reçu des menaces de mort. Des membres des services secrets ont même débarqué dans mon lycée à la suite de rumeurs insinuant que ma s£ur voulait attenter à la vie du président. J’avais alors 14 ans, et j’ai été profondément choquée. Mais cette expérience m’a surtout amenée à réfléchir… « 

Après une phase de radicalisation, Cherien Dabis s’accommode de sa double identité, arabe et américaine, non sans s’intéresser de plus près à la politique. « J’ai découvert combien les médias véhiculaient les stéréotypes sur les Arabes qui nous avaient affectés, ma famille et moi. Ce qui a eu le don de me mettre en colère, mais aussi de me résoudre à tout mettre en £uvre pour lutter contre ces préjugés. » Avec, pour moyen privilégié, le cinéma. « L’ironie a voulu que j’emménage à New York en septembre 2001, et que je commence les cours quelques jours avant le 11 septembre. Bad timing (rires), mais intéressant: l’histoire repassait les plats, et cela m’a décidée à écrire Amerrika . »

Au c£ur du film, la question délicate de l’identité et celle, douloureuse, de l’exil, que la cinéaste explore dans un mélange de gravité et de légèreté. « Mon expérience de l’exil, c’est la mélancolie. On sait que l’exil est dévastateur, mais dans mon quotidien, je ne veux pas me cantonner à ce seul sentiment, non productif. Je tenais à ce que mon film adopte cette ligne de conduite. Il s’agit aussi de montrer que l’on peut survivre à l’exil et créer un sens du chez soi, où que l’on soit… « Sans, du reste, qu’il y ait lieu pour autant de se renier, comme le soutient joliment un film à visage résolument humain…

Amerrika, de Cherien Dabis. Avec Nisreen Faour, Hiam Abbass, Melkar Muallem. 1 h 32. Sortie: 12/08.

www.amerrika-lefilm.com

J.F. PL.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content