Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

L’icône, pas l’homme – Soderbergh confond l’histoire et l’hagiographie dans son évocation des années cubaines de Che Guevara, solidement interprété par Benicio Del Toro.

De Steven Soderbergh. Avec Benicio Del Toro, Demian Bichir, Santiago Cabrera. 2 h 11. Sortie: 18/02.

Parce qu’à côté de ses films commerciaux plus ( Erin Brockovich) ou moins (la série des Ocean’s Eleven) réussis, Steven Soderbergh a démontré du talent et de l’audace à foison dans ses films les plus personnels, on avait fondé beaucoup d’espoirs dans son diptyque consacré à Ernesto « Che » Guevara. Le réalisateur de Traffic, de Bubble ou de Sex, Lies And Videotape ne pouvait, se disait-on, que poser un regard personnel, et donner une forme singulière, à l’évocation de la trajectoire du célèbre révolutionnaire sud-américain.

Hélas, il faut déchanter à la découverte du premier épisode, consacré aux années de lutte à Cuba aux côtés de Fidel Castro. On y assiste à la première rencontre des deux hommes, en juillet 1955, dans un appartement de Mexico. Leurs premières conversations décideront le jeune médecin exilé au Mexique à rejoindre son aîné dans le combat pour renverser le dictateur cubain Batista, porté au pouvoir par un coup d’état avec l’aide de la CIA. Nous suivons le débarquement à Cuba du groupe de… 80 guérilleros marxistes, dont bientôt 12 seulement auront survécu. Nous accompagnons Fidel et le Che (vite affublé de ce sobriquet fréquent en Argentine) dans la Sierra Maestra où ils se sont réfugiés et d’où ils lanceront – gagnant de nouveaux compagnons de lutte – leur grande offensive menant finalement, au tout début de 1959, à la victoire…

STATUE VIVANTE

On débarque dans le film de Soderbergh avec en tête le remarquable et initiatique Motorcycle Diaries de Walter Salles sur les années de formation de Guevara (interprété par Gael Garcia Bernal). Et très vite, on comprend que le souffle épique, l’énergie communicative, le point de vue original, ne seront pas à la hauteur ici. Che – L’Argentin tourne rapidement au pensum idolâtre, sans originalité formelle ni même rythme affirmé et sans réelle force évocatrice. Certes, Benicio Del Toro joue juste et bien. Il est clairement en phase avec son personnage, et ne manque pas de charisme. Mais son travail se heurte aux limites d’une mise en images sacrifiant aux clichés (gros cigares compris) et à une imagerie officielle n’autorisant aucune déviation. Devant l’icône animée qu’est le Che de Soderbergh, devant l’absence de toute distance un tant soit peu critique, force est de constater que le cinéaste verse dans l’hagiographie pure et simple. C’est un Guevara statufié vivant qu’il nous donne à voir, sans que nous puissions rien apprendre de l’homme sous le béret, derrière la barbe, au-delà du poster punaisé sur tant de murs de chambres d’ados révoltés depuis une quarantaine d’années.

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