Anne Fontaine épouse le style Chanel dans son film évoquant les années d’apprentissage de la célèbre couturière, Coco avant Chanel. Avec Audrey Tautou en interprète idéale.

Audrey Tautou y est remarquable. Benoît Poelvoorde y est surprenant (voir notre encadré). Et le style Chanel s’y retrouve idéalement transposé. Coco avant Chanel confirme le talent multiple d’Anne Fontaine, réalisatrice entre autres du joliment subversif Nettoyage à sec et du délicieusement piquant La Fille de Monaco. La cinéaste française nous explique comment elle a voulu faire de son nouveau film tout à la fois le portrait d’une femme, d’une créatrice et de l’époque dont elle a changé la face en libérant la femme de conventions vestimentaires mais aussi sociales.

Vos films ont presque tous en commun de montrer un personnage auquel va se révéler une part décisive – et jusque-là inconnue – de lui-même. A chaque fois, il y a comme une découverte de soi…

Une révélation, oui. Une transformation. Je suis très sensible à deux choses: comment quelque chose de caché en soi peut se révéler (par une rencontre, par un parcours, par l’idée d’un destin), et puis le fait que ce qui nous arrive de plus important survient le plus souvent à notre insu. Chanel ne pouvait que provoquer en moi un vif intérêt, puisque derrière le mythe célèbre il y a une femme qui – à la différence de tant d’autres possédant très tôt une ambition précise – voulait être quelqu’un sans savoir vraiment qui. Totalement autodidacte, elle a d’ailleurs emprunté plusieurs voies avant de trouver le chemin que l’on sait. Partie de rien, sa personnalité hors du commun lui a permis de transcender, de transfigurer son réel. Formée par la littérature, je suis extrêmement sensible au romanesque d’un tel personnage.

Votre film n’en est pas pour autant psychologique, loin de là. Il est même très physique!

Je pratique la danse depuis l’âge de 7 ans, j’ai été formée à cette discipline qui vous permet de maîtriser les mouvements pour aller ensuite au-delà du corps, vers un état particulier de légère méditation, coupé du monde réel. Mon cinéma cherche dans cette direction, que j’appelle métaphysique. Chanel, si on ne l’appréhende pas physiquement, on ne peut pas comprendre son inscription dans le monde de l’époque. Le film n’aurait pu se faire sans une actrice qui ait la morphologie du personnage. Si Chanel avait eu un corps aux normes de son temps, plantureux et où (comme on dit) « tout l’appareillage est sorti », elle n’aurait pas pensé à prendre son propre corps pour laboratoire, à se vêtir de manière à le désaliéner… comme elle allait ensuite libérer les autres femmes. Elle s’est révoltée au lieu de s’adapter, elle a forcé son destin de courtisane pour changer sa condition, elle a dit  » osons mettre un pantalon, une chemise, des habits pratiques.  » Elle a anticipé l’androgynie.

Audrey Tautou était donc l’interprète idéale du rôle?

Aucun doute sur ce point! Elle est bien ce « petit taureau noir » dont parlait Colette à propos de Chanel. Elle a ce rythme, cette intensité, qu’avait le personnage, et qu’il était crucial de capturer pour les rendre sensibles à l’écran. Il fallait cela pour que le film puisse exprimer l’émergence d’une pensée, la naissance d’un style, le style Chanel.

Entretien Louis Danvers

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