Ce n’est pas un fleuve

Ils sont trois, partis camper au bord d’un fleuve; partis, surtout, honorer une tradition, celle consistant à s’imbiber d’alcool sous prétexte d’une pêche à la raie, revolver au poing. Enero et Negro, deux darons bien tannés, la peau faite offrande aux moustiques, et Tilo, le fils d’un troisième larron prématurément disparu, noyé. Dès les premières pages de ce court roman, où les marqueurs du discours ( » dit Enero« ,  » dit Negro« ) participent pleinement à la composition stylistique, l’ambiance pèse aussi lourd que le climat, entre fleuve opaque, forêt dense et locaux peu amènes. Sur l’île comme ailleurs, chacun picole sec, des dents manquent à l’appel dans les bouches, tandis que les jeunes feraient n’importe quoi pour s’occuper -avec pour seule crainte la perspective d’une grossesse impromptue. Célébrée chez elle en Argentine, Selva Almada joue ici, un peu cruellement, à mêler la narration chronologique d’un conflit programmé entre touristes et autochtones et le souvenir brumeux de drames passés (ou envisagés), tous alimentés par un dangereux cocktail entre conduites à risque et mythe, entretenu à la seule gnôle, d’une supposée fraternité virile. Tandis que le feu menace sans cesse ces êtres se comparant volontiers à des chiens, la tension domine.

De Selva Almada, éditions Métailié, 128 pages.

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