Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SYSTÈME D – … COMME DEUIL. CELUI QU’A DÛ FAIRE RINGER APRÈS LA MORT DE FRED CHICHIN. AUJOURD’HUI, ELLE SORT UN DISQUE SOLO PROLONGEANT L’HÉRITAGE DES RITA MITSOUKO.

« RING’N’ROLL »

DISTRIBUÉ PAR BECAUSE/WARNER.

Les histoires d’amour finissent mal. En général. Le 28 novembre 2007, Catherine Ringer se retrouvait seule: Fred Chichin, sa moitié, était emporté à l’âge de 53 ans par le « crabe ». Un cancer fulgurant diagnostiqué 2 mois à peine auparavant. Au printemps de la même année, paraissait Variety, qui deviendra donc le dernier album des Rita Mitsouko. L’ultime épisode d’une des aventures les plus excitantes de la scène musicale française. Aujourd’hui encore, par exemple, The No Comprendo reste l’un des disques les plus forts sortis dans les années 80. Et pas seulement pour ses tubes ( Andy, C’est comme ça…). Mais également pour cette manière, inédite, qu’a eue le duo/couple de réinventer l’espace vital de la chanson française, cherchant dans le punk, le funk, le rock une nouvelle fantaisie.

Alors, forcément, quand Catherine Ringer se remet en selle pour un 1er disque solo, 27 ans après l’album initial des Rita Mitsouko, on tend l’oreille. L’étape est importante. Pas forcément évidente. Après le décès de son compagnon, Ringer avait tenu à terminer la tournée seule. Une manière de faire le deuil. De là à se retrouver en studio, il y avait un autre pas. Après être passée par la case dépression, Catherine Ringer a néanmoins trouvé la force de rappeler Mark Plati, producteur américain exilé en France qui avait déjà bossé sur Variety.

Voici donc Ring’n’Roll, disque qui comme son nom l’indique se veut volontiers combatif. Une question de pudeur certainement: jamais les Rita Mitsouko n’ont vraiment joué le jeu de l’effusion, préservant farouchement leur vie privée. Ring’n’roll débute donc sur le mode léger: Vive l’amour est primesautier, chanson amoureuse printanière, au cours de laquelle Ringer gazouille: « Je fais que penser à mon amoureux, je fais que penser à nous deux ». Le morceau suivant choisit la voie opposée: Punk 103 est rêche, fracassé, Ringer jetant les couleurs sur la toile à la manière d’un Pollock. Voilà un peu les 2 extrêmes d’un disque qui refuse de s’arquer sur une seule langue (l’anglais et le français se mélangent), sur un seul style. Inégal, Ring’n’Roll laisse aussi de la place pour l’anodin, à côté de tentatives vraiment réussies: le tapis électronique piqué d’une flûte aérienne sur Got It Sweet, le piano bastringue et la guitare wa-wa du malicieux Prends-moi ( « Moi qui prends si bien, qui prends si bien la lumière »)…

A la vie, à la mort

Bien sûr, l’absent est bel et bien… présent. Y compris quand il donne un autre relief à des textes comme celui de Rendez-vous, pourtant écrit avant le décès de Fred Chichin. Ring’n’Roll ne ressemble ceci dit que peu à un album de deuil. C’en est presque étonnant: les Rita ont toujours chanté la mort frontalement, de Marcia Baila (hommage à la danseuse Marcia Moretto, avec laquelle Ringer a travaillé) au Petit train (celui qui emmena le père Ringer dans les camps de concentration). Il faut en fait attendre Malher. Là, sur un adagietto de la 5e symphonie du compositeur autrichien, Catherine Ringer rend hommage à son amour, détachant chaque syllabe précautionneusement, à la fois pudique et transparente. Désarmant.

EN CONCERT LE 04/06, AU BOTANIQUE, BRUXELLES.

LAURENT HOEBRECHTS

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