ELLE JOUE SUR L’ALBUM DE DÉTROIT. INTERPRÈTE DU JEFFREY LEE PIERCE AVEC NICK CAVE. ET BOSSE ACTUELLEMENT SUR UN NOUVEL ALBUM AVEC HUGO RACE. PORTRAIT D’UNE VIOLONISTE BRUXELLOISE ATYPIQUE.

« Je rêve d’avoir quelqu’un qui s’occupe de moi. C’est assez épuisant et franchement étrange de devoir harceler les gens pour parler de soi-même et discuter d’argent. Je crois davantage aux vraies rencontres. De toute façon, la musique que je fais n’est pas vraiment commerciale. Si j’avais voulu mieux gagner ma vie, j’aurais fait du André Rieu. » A deux pas de chez elle, attablée à une table du Verschueren, sympathique café saint-gillois, Catherine Graindorge, la comédienne et violoniste belge qui joue sur l’album de Pascal Humbert et Bertrand Cantat, se raconte.

Fille de Michel Graindorge, avocat soupçonné (mais acquitté) d’avoir aidé un des lieutenants de Mesrine à se sauver, Catherine grandit dans un milieu militant de gauche où on écoute beaucoup de classique et des chanteurs comme Léo Ferré. Elle étudie le violon à l’académie dès l’âge de sept ans. « Quand j’ai dit à ma mère je voulais faire de la guitare, elle m’a répondu qu’elle était désolée, mais qu’il n’y avait plus de place et qu’elle m’avait inscrite en violon. Je ne sais toujours pas aujourd’hui si c’est vrai. » Elle a suivi deux candis à l’ULB en musicologie. « Je ne voulais pas du conservatoire quand j’ai vu la tête des musiciens classiques. » Avant d’étudier le théâtre à l’IAD et d’entamer une carrière de comédienne. A ses débuts, la Bruxelloise collabore notamment avec Bernard Van Eeghem. « J’ai arrêté le violon pendant quelques années, confie-t-elle. Et j’ai recommencé quand on m’a demandé d’en jouer dans un spectacle. »

En solo ou en groupe, elle se met à composer pour le théâtre et la danse. Propose une approche singulière de son instrument. Des effets (loop, disto…) plutôt propres aux guitaristes. « J’ai passé des castings idiots pendant des années pour apparaître dans des téléfilms. J’en ai même encore tourné un, que je ne citerai pas, début 2013, parce que j’avais besoin d’argent. Mais si j’aime la comédie, mettre une robe et des jolies chaussures, la musique m’est plus chère et intérieure. »

Catherine joue dans One One One avec Matthieu Ha et Pierre Jacqmin (Venus) qu’elle rencontre dans un spectacle du Kunst, puis aussi Neven, Monsoon ou encore Nox, un trio basse/batterie/violon alto… Dan Miller, de Ann Arbor, lui propose alors d’assurer sa première partie et de la défendre avec sa petite structure. « Je n’avais jamais osé l’aventure en solitaire. Au théâtre, je me cachais. La première fois où je me suis retrouvée seule sur scène, j’en ai été malade. Et en même temps, ça libère un tel taux d’adrénaline. »

En septembre 2012, Graindorge sort son premier solo, The Secret of us all, enregistré au Studio Rubens et mixé par Rudy Coclet. « On a remis un dossier mais trop tardivement. Je n’ai pas eu de subside. Ce n’est pas grave. On a trouvé un arrangement avec Joel (Grignard, boss du label dEPOT 214, ndlr). Il a un pourcentage sur mes énormes ventes de CD. Il est très riche maintenant (rires). »

Long Distance Operators

Sur cet album, on peut entendre Marc Huyghens (Venus, Joy) mais aussi Hugo Race. La moitié australienne de Dirt Music qui joua jadis avec Nick Cave. « Je lui ai souhaité bon anniversaire en lui envoyant un lien musical sur Facebook. Il m’a répondu: « Génial, il faudrait qu’on travaille ensemble! » Il venait en Italie. Je lui ai payé un billet Milan-Bruxelles. C’est vraiment quelqu’un qui aime expérimenter de nouvelles choses. Il a senti que nos univers colleraient. On a eu deux jours. Puis on s’est revus un an plus tard pour la présentation de mon disque. »

Pour l’instant, tout en préparant des morceaux pour un deuxième album solo sur lequel elle donnera de la voix, un disque que John Parish veut produire, Catherine Graindorge planche à distance sur un nouveau projet avec Hugo Race qu’elle présentera le 16 mai aux Nuits Botanique. Le tandem se fait appeler Long Distance Operators. Du nom de ces anciens téléphonistes par lesquels il fallait passer dans le temps avant de joindre son correspondant. « Hugo a connu ça en Australie. Et puis le concept de LDO résume bien notre collaboration. Le processus est très long. Il y a le décalage horaire. Il faut trouver des points de rencontre. On n’est pas dans les mêmes vies. Un morceau peut nous prendre un mois. »

Le printemps s’annonce chargé. La veille de son concert aux Nuits, Catherine montera sur les planches de l’Ancienne Belgique avec Bertrand Cantat et Pascal Humbert. Elle participe à trois titres du premier album de Détroit. « J’avais vu 16 Horsepower à Genève. J’avais adoré. J’étais revenue les voir au Cirque royal et je n’avais toujours pas osé aller leur parler. J’ai essayé de devenir l’amie de Pascal sur Facebook. Rien. Puis un jour, je lui ai envoyé une vidéo. Il m’a répondu et nous sommes restés en contact. Il m’a demandé à la dernière minute si je pouvais les rejoindre à Carpentras. Il est évident que Bertrand a le droit de faire de la musique. On ne vit pas dans une justice du peuple et ce serait une condamnation à mort que de l’en empêcher. C’est quelqu’un d’authentique. Pas un menteur. Un homme qui essaie de se reconstruire. Il est légitime et louable qu’il fasse ce qu’il sait faire. Il a un rapport très charnel et émotionnel à la musique et aux mots. »

Si l’ancien chanteur de Noir Désir opérera en tandem avec Mark Lanegan sur le troisième volet du Jeffrey Lee Pierce (Gun Club) Sessions Project prévu pour mars, Catherine Graindorge y jouera notamment sur un titre interprété par Nick Cave. « Je ne l’ai pas rencontré. Je me suis retrouvée chez moi à écouter sa voix et à improviser. C’était déjà quelque chose… »

DÉTROIT, LE 15/05 À L’ANCIENNE BELGIQUE (COMPLET).

LONG DISTANCE OPERATORS, LE 16/05 AUX NUITS BOTANIQUE.

RENCONTRE Julien Broquet

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