Les grandes tendances de l’animation seront représentées au festival Anima 2009, manifestation « touffue, bigarrée, multiple » qui se déroule du 20 au 28 février.

Les organisateurs du festival se revendiquent  » de la dispersion et de l’éclectisme« . Une ouverture d’esprit et une curiosité qui honore Anima et qui explique en partie sa position très en-viable dans le concert des manifestations consacrées à l’animation dans le monde. Avec ses 28 ans d’âge, le festival bruxellois se souvient des débuts, où la passion devait déplacer les montagnes tant le « dessin animé » (comme on disait encore alors surtout) était affaire de vrais mordus dès qu’on s’éloi-gnait un peu de Disney et de ses quelques autres producteurs de divertissement familial…

Depuis, bien sûr, l’animation a gagné ses galons de force majeure sur le marché cinématographique international (elle y domine régulièrement le box-office), tout en s’affirmant comme un domaine créatif riche de possibles pratiquement infinis. Pour Philippe Moins et sa petite bande de l’asbl Folioscope, organisatrice d’Anima, le succès populaire et artistique de la manifestation est la récompense d’un travail mené bien en amont des modes récentes. Un travail qui se poursuit aujourd’hui encore avec des innova-tions destinées à mieux satisfaire un public aussi nombreux qu’enthousiaste, ainsi bien sûr que des artistes tous conscients de l’importance d’en être. Il y aura désormais par exemple des projections dès 10 h du matin (baptisées Animatins) et des « open screenings » où les réalisateurs belges non retenus dans le programme officiel pourront montrer – gratuitement – leurs films.

Made in Belgium

Si 32 pays sont représentés dans les différentes sections d’Anima 2009, les nouvelles ambitions de la créa-tion belge s’y exprimeront d’évidence. Le cinéma d’animation made in Belgium ne se limite plus désormais à exporter des artistes dans des grands studios étrangers, il donne dans le long métrage et parvient même à -bien- s’exporter. Un des événements interna-tionaux du genre en 2008 fut, rappelons-le, le charmant film en images de synthèse et relief 3D de Ben Stassen Fly Me To The Moon. Et pour 2009, c’est Panique au village du tandem Vincent Patar-Stéphane Aubier qui tiendra la vedette. En attendant sa sortie au mois de juin, ses réalisateurs ont signé l’affiche d’Anima, et le festival accueillera une exposition réunissant des centaines de figurines du film, dans une scénographie originale de Manu Demeulemeester.

Autre rendez-vous belge à ne pas manquer, la compétition de courts-métrages aura fière allure. Au terme d’une sélection impitoyable, 9 films d’étudiants (sur 56 présentés!) s’y sont vus retenir, 4 autres étant projetés dans la section Panorama. Beaucoup de candidats se présentèrent aussi dans les rangs des professionnels, 9 étant retenus sur les 41 inscrits… Les responsables d’Anima tiennent à souligner le dynamisme de structures comme La Boîte?… Productions, L’Enclume ou Lumière, qui soutiennent et accompagnent les jeunes auteurs dans une belle diversité de styles. Ils louent aussi le travail de formation d’ateliers comme Caméra, etc. ou Zorobabel. De l’expérimentation la plus personnelle à certains regards quasi documentaires sur la réalité sociale, les 18 films de le compétition nationale exposent une remarquable diversité de ton et de propos.

Un peu de tout

La diversité est également et spectaculairement au rendez-vous des sélections internationales, démontrant que l’animation digitale n’a pas, comme d’aucuns le craignaient, rendu obsolètes ou commercialement non viables les autres techniques de création. Le dessin animé en 2D fait de la résis-tance, notamment dans les productions destinées principalement au public enfantin. Et les films en relief « naturel », animant des créatures de pâte à modeler, des figurines, des objets divers, se multiplient à l’envi, démontrant que l’animation « faite à la main » a encore de beaux jours devant elle. Les deux courts-métrages belges retenus dans la sélection du prestigieux Cartoon d’Or européen apportent une preuve frappante: Arnaud Demuynck et ses complices de L’Evasion travaillent le dessin en noir d’encre et blanc avec art tandis que Vincent Bierrewaerts, dans Le Pont, fait vivre la plasticine avec humour et aussi émotion.

Au détour du programme d’Anima 2009, on verra même de l’animation réalisée sans caméra! Steven Wolo-shen présentera en effet ses £uvres composées de « lacérations, griffures et autres outrages » causés directement à la pellicule…

L’hommage rendu à Ralph Bakshi, et que complètera une rétrospective à la Cinematek, vient souligner ce que put être une animation subversive dans les années 70. En phase avec Crumb et les illustrateurs underground de la contre-culture, son Fritz The Cat fit sensation par sa liberté de ton et de m£urs. A l’époque, c’était chose rare et singulièrement audacieuse. Depuis, même à la télévision ( South Park, Futurama), le dessin animé a pris l’habitude de défier les tabous… ou ce qu’il en reste. Et la projection, dans le cadre d’Anima 2009, d’un Queer Duck: The Movie mettant en scène le couple « gay » que forment un canard et un crocodile, ne surprendra plus grand monde…

L’animation la plus créative ne s’interdit plus aucun territoire, comme des £uvres aussi fortes que Persepolis et Waltz With Bachir l’ont prouvé avec éloquence ces toutes dernières années. S’ils ne recueillent pas l’écho du dernier Pixar ou Dreamworks, ces films plastiquement, narrativement et politiquement osés changent déjà la perception du potentiel de l’animation chez nombre de spectateurs. Plusieurs films de la sélection d’Anima creusent cette veine libérée des contingences – encore majoritaires – du spectacle familial, en s’adressant sur un mode adulte à un public cu-rieux, ouvert à la découverte et à la controverse.

Et demain?

Si l’on en croit certains cinéastes, et non des moindres, l’avenir devrait voir l’animation infiltrer de plus en plus intimement le cinéma traditionnel. La montée en puissance de la technique de « motion capture » (1), expérimentée sans grâce par Robert Zemeckis dans The Polar Express et Beowulf, pourrait montrer le chemin, à présent que Steven Spielberg et Peter Jackson l’ont mise au menu de leurs adaptations successives des aventures de Tintin… Qu’en sera-t-il? Quelles autres tendances alimenteront le futur de l’animation? Une plongée dans l’univers d’Anima 2009 n’apportera pas de réponse, mais esquissera sans doute quelques pistes.

(1) Les acteurs jouent leur rôle devant la caméra, des capteurs placés sur eux permettant d’intégrer toutes leurs données dans un logiciel informatique qui permet ensuite de modifier leur aspect physique à loisir.

Du 20 au 28/02 à Flagey. Renseignements pratiques sur www.anima2009.eu

Texte Louis Danvers

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