Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Il y a quelques mois, quand Focus a pris contact avec Guy Peellaert pour lui demander de travailler sur une série consacrée au « rock belge », on a vite compris que ce double sujet, musical et géographique, le touchait beaucoup. Le rock et la Belgique. Le premier a nourri sa jeunesse qu’il aurait pourtant pu vivre dorée, entre la famille francophone nantie et les courses de chevaux à Ostende qu’il aimait tant. Découvert dans les cafés de ketjes de Bruxelles, le rock a été le premier carburant de son imaginaire au même titre que les illustrations des revues US d’après-guerre: ces graines d’Amérique ont été la semence de ses rêves et de son talent. Et puis la Belgique, malgré son installation à Paris dans les années 60, ne l’a jamais vraiment quittée. Guy y conservait quelques amis mais, surtout, lui vouait un curieux rapport de tendresse et d’agacement, comme si elle avait, jusqu’au bout, ignoré ses capacités artistiques majeures. Ce qui est le cas, la première exposition d’importance de ses £uvres ne prenant place qu’à l’automne 2009 à Bruxelles… En regardant l’une de ses images pour la série Focus, celle où il soutient lui-même Brel dans un état avancé, entouré d’un cirque humain drôle et violent, on retrouve d’emblée la marque Peellaert (voir illustration). Cette vision acide de la réalité des stars et des humbles, souvent plus proche du précipice que de l’intronisation absolue. Peellaert avançait comme un maquisard de la peinture et se reconnaissait volontiers en bâtard de l’art. Ceci avec un sens inextinguible de la vérité picturale, Guy pouvant passer des heures, des jours, sur le détail juste du costume d’un flic new- yorkais de, disons, 1964… Pour l’avoir vu à l’£uvre, il était aussi un remarquable dessinateur. Dès son travail sixties – les BD Jodelle et Pravda plutôt pop-art – on trouve une provocation qui rebondit sur l’humour grinçant. Ce sera le cas dans ses £uvres suivantes, liées aux pochettes pour Bowie et les Stones et la parution de son livre-événement Rock Dreams fin 1973. Il quittera les idées de collages-remontages – présents dans ses Rêves du 20e siècle parus en 1999 – le temps de Las Vegas-The Big Room sorti au milieu de la décennie 1980, somme de mélancolie terminale sur lequel il aura travaillé près de dix ans. De sa carrière remarquablement remplie, il parlait volontiers, mais sans nostalgie. Guy Peellaert, qui nous a quittés le 17 novembre à 74 ans, était un homme à la fois affable, joyeux, complexe, radical – dans ses amitiés comme dans ses ruptures – capable de passer neuf mois sur un décor de film d’Alain Resnais comme de courser à plus de 65 ans un gamin qui venait de lui faucher sa moto sous le nez… Un sacré mec ce Guy.

Philippe Cornet

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