Farces et attrapes. Avec Burn After Reading, Joel et Ethan Coen signent une comédie d’espionnage ébouriffante, soutenue par un casting impérial.

De Joel et Ethan Coen. Avec George Clooney, Brad Pitt, Frances McDormand. 1 h 35. Sortie: 10/12.

Entre films noirs teintés d’une bonne couche de dérision, et comédies allumées biberonnant à l’humour noir, le cinéma des frères Coen n’a cessé d’opérer de fréquents mouvements de balancier. Burn After Reading répond donc aujourd’hui, sur un mode proche de la farce, à un No Country for Old Men autrement plus sombre; encore que chacun sera libre de trouver dans ce modèle de film déjanté matière aux projections les plus diverses.

Burn After Reading s’ouvre alors qu’Osbourne Cox (John Malkovich), un agent de la CIA, est viré de son poste à son vif, mais alors très vif mécontentement. Entre écrire ses mémoires et s’imbiber de bourbon, son c£ur tangue, ivre de ressentiment. Le premier d’une série d’événements aux conséquences fâcheuses, dont la plus immédiate est de provoquer la fureur de sa femme, Katie (Tilda Swinton – voir également son interview en page 14), qui décide de planter là ce minable.

Un curieux concours de circonstances veut bientôt qu’un CD contenant des informations destinées au livre de Cox entre en possession d’une escouade de losers. Travaillant dans une salle de gym d’une banlieue de Washington, Linda Litzke (Frances McDormand), une employée partagée entre sa prochaine opération de chirurgie esthétique et un recours intensif à l’Internet dating, et Chad Feldheimer (Brad Pitt), son collègue adepte frénétique de muscu, ont tôt fait d’imaginer un plan foireux ouvrant sur de juteuses perspectives. Entre envolées bodybuildées et cercles plus feutrés de cabinets d’avocats ou autres ambassades, avec encore le grain de sel déposé par George Clooney, voilà posé le cadre d’une comédie d’espionnage ostensiblement barrée.

Un lycra d’avance

L’argument du film est alambiqué et simple à la fois; il offre aux Coen la substance d’une comédie surfant joliment sur un sentiment aigu de paranoïa, en même temps que s’y déploie une imagination plus débridée que jamais – on n’est pas loin, ici, de la veine d’un Big Lebowski, celui de leurs films qu’évoque le plus Burn After Reading.

Comme dans celui-là, en effet, l’hypothétique commentaire social s’efface au profit d’un savoureux numéro d’acteurs servis par un scénario millimétré. On pourrait se perdre en longues conjectures pour tenter de déterminer qui, de Brad Pitt ou John Malkovich, a hérité de l’emploi le plus croquignolet – encore que le premier parte avec un lycra et une coiffure grotesque d’avance. Ce constat pose à la fois les qualités et les limites du film: aussi déjanté soit-il, le terrain apparaît bien balisé, eu égard aux antécédents des deux frères. Tant il est vrai aussi qu’en matière de comédie délirante mais inventive, The Big Lebowski reste insurpassable, ce dont ne peut qu’apporter la démonstration ce Burn After Reading, au demeurant absolument hilarant.

www.burnafterreading.com

Jean-François Pluijgers

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