Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

In the sunshine – Sur That Lucky Old Sun, Brian Wilson retrouve l’incroyable naïveté pop et sophistiquée des Beach Boys sixties: cela aurait dû être pathétique, cela ne l’est pas.

« That Lucky Old Sun »

Distribué par EMI.

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Parlons un peu chimie. Prenez un type de soixante-six ans qui a dessiné la colonne vertébrale d’un des groupes les plus emblématiques des sixties, The Beach Boys. Ajoutez-lui une vie de star vite flambée, réfugiée dans la parano, l’alcool et la cocaïne, et qui finira diagnostiqué dans les années 80 comme souffrant de désordre schizo-affectif, un signe grave de bipolarité mentale. Rajoutez-y les relations exécrables avec un père abusif, deux frères morts trop tôt (1) et d’innombrables conflits et procès avec les membres des BB. Notez une élocution bizarre et des manières hésitantes. Et enfin, additionnez à tout cela l’intention de revenir avec un disque à ses primes années célébrant la Californie du Sud, les filles, la plage et le surf, comme si rien de négatif n’avait occulté sa vie. Normalement, le résultat final devrait être – au mieux – navrant. Les 38 minutes et neuf secondes de musique écrites par Brian Wilson et son vieux complice Van Dyke Parks racontent tout le contraire et distillent une forme incurable de joie de vivre.

Composé en cinq mouvements, ce disque aérien, subtil et sucré, renoue avec l’idée simple et magistrale que la pop-music peut aussi être une manifestation radicale de plaisir. On mentirait si on écrivait que ce jugement est complètement détaché de l’histoire de Brian: chose impossible puisque tout son (incroyable) parcours de gloire et de déchéance mêlées, résonne dans ces dix-sept chansons et interludes qui s’enchaînent goulûment.

L’enfance de l’art

La plage d’ouverture, plage titulaire de l’album, est un morceau un peu léger et fanfaron, rendu célèbre par Louis Armstrong: Wilson lui applique le traitement Brian. Voix célestes couchées en harmonies multiples, accords de piano esseulés, cordes brillantes, le tout dans des arrangements instantanément reconnaissables sur la planète Wilson/Beach Boys. A tel point que Forever She’ll Be My Surfer Girl – c’est un sexagénaire qui chante cela… – évoque fortement le texte de Surfer Girl sorti en 1962. Des titres comme Mexican Girl, le sublime Good Kind Of Love ou encore Can’t Wait Too Long ne déparent pas la galerie de chansons historiques écrites par Brian dans sa brillante et étrange carrière. Ce disque aux morceaux courts et solaires, expose aussi l’amour infini de Brian pour sa Californie éternelle, pour L.A., le building Capitol, Hollywood, le cinéma. En finale, lorsqu’il enchaîne une reprise archi-mélancolique de That Lucky Old Sun au tempo upbeat de Going Home avant de terminer son disque sur Southern California, spleen et éternel, on a l’impression que Brian est retombé dans l’enfance de l’art. Un signe de régression chez les autres, l’incontestable signe du bonheur chez lui…

(1) Dennis mort noyé (1944-1983), Carl décédé d’un cancer (1946-1998), tous deux membres fondateurs des Beach Boys.www.brianwilson.com

Philippe Cornet

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