Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

à bout de souffle – Adepte de l’idée de cycle, le Coréen Kim Ki-duk signe son quatorzième opus. Une poétique du souffle, élément de vie, d’amour, de mort.

De Kim Ki-duk. Avec Chang Chen, Ha Jung-woo, Park Ji-a. 1 h 24. Musique: Kim Myung-jong. Sortie: 12/03.

Le condamné à mort ne s’est pas échappé. Mais en multipliant les tentatives de suicide, il ne cesse de retarder le moment de son exécution… Une mère de famille trompée par son goujat de mari apprend par la télévision le dernier épisode en date des mésaventures carcérales de ce criminel. Et sans vraiment savoir pourquoi sans doute, elle décide d’aller lui rendre visite en prison. Elle se fera passer pour une ex-petite amie et obtiendra le droit de le voir. Ainsi commencera une étrange relation, cérébrale et sensuelle à la fois, balisée d’avance par l’issue fatale de plus en plus proche et suivie d’un regard bizarrement tolérant par le responsable un tantinet voyeur du pénitencier.

Tourné en une dizaine de jours, avec un budget minuscule de 300.000 dollars, Breath porte bien la marque de son auteur, le prolifique et très talentueux Coréen Kim Ki-duk. Le cinéaste de Printemps, été, automne, hiver… et printemps (2003) y conjugue audace et discrétion avec un bonheur communicatif. Il justifie d’abord le titre de son film, « souffle », par la communication muette s’établissant entre la visiteuse et le prisonnier muet depuis qu’il a tenté de se trancher la gorge. Ensuite s’ajoute le fait que l’homme aspire à mourir (rendre son dernier souffle) tandis que la jeune femme éprouve le besoin de respirer en quittant le contexte vicié de son couple. La saisissante conclusion de Breath offrira enfin une ultime expression de ce qui est d’évidence une poétique du souffle comme élément de vie, d’amour, de mort.

PAS DE DEUX

L’idée du cycle, chère au réalisateur, se manifeste à nouveau de bien belle manière, en une suite d’images superbement composées. Aucun cadrage n’est innocent chez Kim, aucun angle n’est gratuit, aucun mouvement n’est là pour faire joli. Mais simultanément, son cinéma s’ouvre largement à l’inconscient, à l’inattendu. La brève rencontre narrée par Breath trouble et captive, touche et heurte à la fois. Un élan romantique la traverse, mais le sens de l’absurde s’y manifeste aussi. Comme si distance et proximité s’y livraient un pas de deux funambulesque par-delà le désir et les larmes, le crime et le pardon, l’espoir et le sang.

Dans le rôle de Jang Jin, le condamné suicidaire, on retrouve le très intense Chang Chen. Ce Taïwanais figure parmi les meilleurs et les plus populaires des acteurs asiatiques de sa génération. On a pu l’apprécier notamment dans A Bright Summer Day du regretté Edward Yang, Tigre et Dragon de Ang Lee, ainsi que chez Wong Kar-wai ( Happy Together, 2046). Habituée des films de Kim Ki-duk, Park Ji-a campe Yeon, généreuse et mystérieuse héroïne d’une histoire qui ne livre heureusement pas toutes ses énigmes. Derrière la caméra, maître Kim s’érige en chantre de la passion la plus radicale et imprévisible. Avec sans doute moins de brio et d’ampleur que dans son chef-d’£uvre Bin jip (2004), mais avec une justesse formelle et une émotion humaine propres à combler de nombreux regards.

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LOUIS DANVERS

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