Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

L’ADAPTATION DU FILM DES COEN EST UNE RÉUSSITE. SOIT DIX PERLES D’ÉPISODES D’UNE SÉRIE NOIRE À SOUHAIT, MAIS PORTÉE PAR UN HUMOUR IRRÉSISTIBLE.

Fargo – saison 1

SÉRIE FX CRÉÉE PAR NOAH HAWLEY. AVEC BILLY BOB THORNTON, MARTIN FREEMAN, ALLISON TOLMAN. DIST: FOX.

8

Perplexité. C’est ce que nous inspirait la décision, par la chaîne FX, de lancer un remake de Fargo, film culte parmi les films cultes des frères Coen. A quoi bon? A quoi bon ressusciter ce que Frances McDormand et Steve Buscemi avaient gravé dans le marbre du septième art, à savoir les inénarrables aventures d’une fliquette enceinte jusqu’aux yeux poursuivant, dans le froid du Minnesota, deux des plus grands Pieds Nickelés de l’histoire du crime? Même si la tendance est clairement à l’adaptation de films au format séries (Sleepy Hollow, Une nuit en enfer, L’armée des 12 singes…), on se disait que l’entreprise avait une belle tête de piège. Sauf que Noah Hawley, responsable de cette flamboyante adaptation, prend la tangente de manière on ne peut plus futée. Il garde un ton, une atmosphère. En transformant complètement l’intrigue.

On est à Bemidji, bourgade enneigée où Lester Nygaard (Martin Freeman), assureur au charisme de planche à pain, va croiser la mauvaise personne, en l’occurrence Lorne Malvo (Billy Bob Thornton), un tueur à gages de passage. Poussé à la révolte par son interlocuteur, Lester le soumis commandite à demi-mots l’assassinat d’un ancien camarade de classe au tempérament de tortionnaire. Avant de s’attarder à coups de marteaux sur le cas de sa femme. Ou comment l’arrivée de Malvo va enclencher une mutation criminelle qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Walter White…

Il y a du Breaking Bad dans ce Fargo. Si le chef-d’oeuvre de Vince Gilligan restera dans les annales pour la maîtrise absolue des paramètres de son intrigue, on retrouve ici l’utilisation d’un humour irrésistible destiné à irriguer un scénario pour le moins noir et féroce. Mais sans jamais basculer dans la comédie pure. L’esprit des Coen, qui chapeautent d’ailleurs cette adaptation, reste sauf. Mais la grande réussite de Noah Hawley réside dans le méchant qu’il s’est inventé: cette valeur sûre de Billy Bob Thornton nous compose un Lorne Malvo inoubliable, tueur à gages froid, flegmatique, impitoyable, mais multipliant les répliques hilarantes. En cela, la série prend le contrepied du Fargo originel des Coen, en gommant le côté foireux des malfrats pour nous offrir un tueur charismatique à souhait. Si ce choix trahit quelque peu les intentions du film, il offre de véritables moments d’anthologie soutenus par des dialogues aux petits oignons, quelques scènes virtuoses et un casting malin -dans le rôle de la policière futée, Allison Tolman fait mouche, alors qu’on retrouve toujours avec plaisir ce bon vieux Bob Odenkirk (l’avocat de… Breaking Bad et de Better Call Saul!). Parfaitement rythmés, ces dix épisodes s’enfilent comme autant de perles formant un ensemble fermé: série d’anthologie, Fargo poursuivra sur sa lancée, mais avec une deuxième saison renouvelant l’intrigue et les personnages.

GUY VERSTRAETEN

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