Braconniers

Chaque matin, Elisa sort en chemise de nuit blanche d’une maison de cantonnier, celle qu’elle habite avec son mari,  » depuis qu’on a arrêté de traiter des pneus aux portes de la ville« , dans un nord-est (Vénétie) autrefois prospère. Elle ne parle plus  » les dents serrées devant le tribunal de personne« . À sa suite, Augusto vient immanquablement la chercher pour la ramener chez eux chaque soir, ruminant et charriant  » une poignée de mètres cubes d’expiations tenues en laisse« . Ce ballet incongru dure pendant sept jours, pendant lesquels nous nous trouvons au plus près de pensées lestées de rage et en déréliction. Au risque d’une noyade dans le fleuve Piave ou d’élucubrations peu fiables, il nous faudra détricoter ce fil cyclique et obsessionnel pour saisir tout l’abysse de culpabilité qui menace Augusto. Depuis un père fasciste et une mère pieuse intégriste jusqu’à Cesare, son frère jumeau banni et battu pour s’être travesti enfant jusqu’au trouble panique de son épouse et à la chute de leur fils, tout concourt à faire tourbillonner plus inexorablement dans la folie ce narrateur en quête de réparation. Jusqu’au dernier mot, c’est une version retorse et à couper le souffle de Caïn et Abel qui se joue là, exposant crûment non seulement des drames intimes mais certaines fautes de l’Italie du XXe siècle.

D’Alessandro Cinquegrani, éditions Do, traduit de l’italien par Laura Brignon, 144 pages.

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